Vous créez des personnages au poil ? C’est bien. Vous connaissez tout sur ceux-ci et ils n’ont aucun secret pour vous ? C’est très bien. Seulement, petit hic ! Vous avez omis de travailler le langage de vos personnages. Et d’ailleurs… comment instaurer et créer la différence parmi vos personnages ? Ce petit article vous aidera à mieux cerner une partie très importante dans l’écriture d’un roman : les dialogues.
Prêter une grande attention aux dialogues
Les dialogues sont sans doute les parties d’un roman qui permettent le mieux de caractériser les personnages dans le roman. Votre roman est fait de mots… comme une conversation. Conséquence : quand vous racontez, par exemple, que votre personnage marche dans la rue, il se peut qu’il y ait un écart entre votre « vision » et ce que voit le lecteur, mais quand vous rapportez les propos de ce personnage au discours direct, cet écart est réduit au minimum.
Le personnage apparaît dans sa vérité : vous n’avez pas besoin d’insister, tout se voit, tout s’entend. Quand Maupassant fait dire à un de ses personnages : « Ça s’peut ben, tout d’même ! », il n’a pas besoin de préciser que ce personnage n’appartient pas à la haute bourgeoisie. Soyez donc convaincu qu’il y a un grand parti à tirer des dialogues, et efforcez-vous d’individualiser vos personnages par leur langage.
Eviter les erreurs de débutant
Il y a plusieurs erreurs à ne pas commettre lorsqu’on écrit les dialogues de son roman. L’une des plus évidentes, et qui n’est pas très difficile à éviter, c’est de vouloir faire parler à ses personnages un langage trop châtié. On n’est pas obligé de faire dans le réalisme à tout prix, mais enfin, pour prendre un exemple caricatural, il est risqué de faire dire à un personnage « Je fis un détour pour me rendre à la boulangerie car j’avais grand faim » au lieu de « Je suis allé à la boulangerie : je mourais de faim ».
Mais l’erreur la plus courante, elle aussi liée à la question du réalisme, c’est l’uniformité des répliques.
Faites ressortir les différences !
Si le personnage est un enfant, cela doit s’entendre ; si c’est un paysan habitué à parler un patois, cela doit s’entendre ; si c’est un snob qui veut avoir l’air cultivé, même chose. Après, à vous de voir jusqu’où vous voulez aller : certains auteurs vont jusqu’à reproduire les accents et les défauts de prononciation. Si vous en êtes capable, ne vous gênez pas !
Dans une scène où trois ou quatre personnages discutent, le lecteur devrait, dans l’idéal, pouvoir se passer de toutes les indications contenues dans des incises du type « … dit Machin » ou « … répliqua Truc ».
Faites le test ! Ôtez ces armatures et voyez s’il est ou non aisé d’attribuer à chaque personnage ses propos. (Et si le but est atteint, d’ailleurs, pourquoi ne pas faire l’économie de ces incises ? Comme le fait remarquer Stephen King dans Ecriture, elles sont souvent lourdes, surtout quand elles insistent sur ce qui devrait être évident. Exemple : « Va te faire voir ! », répondit Michel avec colère.)
Vous me direz peut-être : OK, le test est efficace, mais s’il s’avère négatif, si mes personnages ne se reconnaissent pas à leur manière de parler, que dois-je faire pour améliorer les choses ?
Observer et retranscrire fidèlement !
N’avez-vous jamais dit ou entendu, à propos d’un livre, le fameux : « C’est bien, mais hélas ! les dialogues sonnent faux… » Eh oui, avec les dialogues, tout est question d’oreille. Et comme en musique, il y a ceux qui sont doués… et ceux qui le sont moins. Mais si l’on est de la seconde catégorie, tout n’est pas perdu pour autant.
D’abord, avec du travail et de l’attention, on peut toujours éviter les « fausses notes », ces petits ratés qui consistent à mettre dans la bouche d’un personnage une expression qui ne lui convient pas, trop familière ou trop guindée, trop enfantine ou trop technique, etc. Ensuite, pour progresser à plus long terme, il faut ouvrir l’oreille, partout ! Dans les transports en commun, dans les magasins, devant la télévision…
Écoutez ce qui se dit, et demandez-vous comment vous pourriez le retranscrire pour rester au plus près de ce qui s’est vraiment dit. (Tout en sachant que, malgré tout, vous élaguerez quelque peu un dialogue réel si vous devez l’insérer dans un roman, car dans la réalité presque tout dialogue comporte un nombre de blancs, d’hésitations et de redites supérieur à ce que peut supporter le lecteur.)
Faites surtout attention aux particularités collectives : la langue de bois des politiques, le langage fleuri des rappeurs, les expressions nouvelles des plus jeunes que vous… Mais ne négligez pas non plus les tics personnels, car les détails les plus ténus peuvent vous servir. Vous rencontrez quelqu’un qui finit presque toutes ses phrases par « quoi » ou par « n’est-ce pas » ? Quelqu’un qui ne peut s’empêcher d’utiliser des mots anglais parce que dans son travail tout le monde parle anglais ? Très bien ! Pourquoi ne pas « refiler » ces tics à l’un ou l’autre de vos personnages ? Ces détails aident à distinguer les personnages les uns des autres, et leur insufflent de la vie.
Par nature, les dialogues se prêtent fort bien – normalement… – à la lecture à voix haute : lisez-les donc ainsi, seul ou avec quelqu’un pour vous donner la réplique. Vous entendrez tout de suite ce qui « colle » et ce qui ne « colle » pas.
Et si vraiment vous ne vous en sortez pas, il y a un moyen simple et radical d’éviter que les dialogues ne ruinent votre roman… c’est de n’en mettre aucun ! Ce n’est pas interdit, il y a d’excellents romans sans dialogues. (De même qu’il y a d’excellents romans qui ne comportent que des dialogues… Les érudits les appellent des pièces de théâtre).
J’espère que ces quelques conseils basiques vous permettront de mieux réfléchir aux dialogues entre vos personnages. C’est une partie importante du roman. N’hésitez donc pas à travailler et retravailler les caractéristiques propres de vos personnages.
J’aimerais que vous m’écriviez sous cet article votre astuce pour faire ressortir et créer la différence de langage entre vos personnages.
Écrit par : Manuel .G
Super article et je me posais une question.
Est-ce que des tics de langage ( ex: « st’ plais » ou zétes gonflés, vous ») pourraient être comptés comme des fautes d’orthographe ?
bonjour je suis soukaina et j’ai 14 ans j’aime la langue français
Professeur de lettres françaises retraité, j’écris depuis les années 70. Avec la pratique systématique et inlassable, la langue française cesse de se rebeller, se soumet au scripteur et devient même une source de plaisir. Après 35 années d’enseignement dans le secondaire,dans l’un des lycées de mon pays l’Algérie, je me considère toujours au point de départ quant à la maîtrise du français qui a nourri et continue de nourrir mes enfants. Vous êtes mon professeur. J’ai beaucoup appris de vous. Je vous félicite, Mr Emanuel. Je dispose de deux manuscrits pour le moment. Je les soumettrai bientôt à des maisons d’édition: Soleil Totémique (recueil de poèmes, préfacé et illustré)
et l’Enfer des Naufragés (roman avec avant-propos et résumé de l’auteur)
Vos conseils me permettent de m’améliorer.Merci infiniment.
@Piwai
J’ai le même questionnement, mais avec un langage extraterrestre: quand mes E.T. parlent entre eux, je mets une première et courte phrase dans leur langue inventée et le reste du dialogue en français (italique). Mais quand ils parlent en présence d’un humain, j’avais envie de rédiger tout ce dialogue dans leur langue pour montrer que l’humain n’y comprend que dalle. Mais une traduction pour le lecteur en notes de bas de page, pas fort-fort mon affaire… J’ai donc continué mon manège (1re phrase en langue autochtone et la suite en italique + quelques indications montrant que l’humain ne saisit que peu ou prou la conversation). Mais cette mise en page n’est pas à mon goût.
Bonjour à tous.
J’aimerais bien savoir quel technique adopté pour faire parler ensemble des personnages de langue différente (russe, américain, français et sud africain par exemple). Faut-il essayer de faire les accents étrangers (ce que je ne sais pas du tout faire) ou bien les personnages peuvent ils tous parler la même langue ? Merci de votre réponse par avance.
Bonsoir Manuel,
Merci de ta réponse 🙂
C’est ce que je fais, donc je ne suis pas trop à côté de la plaque !
Mais c’est clair que d’un bouquin à l’autre, il y a des différences.
Je lis un Michael Connelly en ce moment et lui, il ne met jamais de guillemets, mais il descend à la ligne et met un tiret dans tous ses dialogues.
Mais j’aime bien les guillemets avec des interjections ou de courtes phrases, je trouve que cela rythme le texte différemment.
Yeah, je kiffe grave !
Bonsoir à tous,
Il y a une question qui me turlupine depuis longtemps en ce qui concerne les dialogues. Je m’explique.
Quand c’est l’un des protagonistes qui débute une phrase, on met un simple tiret, mais quand c’est une réponse au milieu d’une phrase, on met des guillemets. Par exemple :
– John, veux-tu bien répondre au téléphone, s’il te plaît ?
John se leva lourdement de son siège et se disant que le chef le prenait vraiment pour sa bonne, mais il répondit « oui, tout de suite boss. »
J’avoue que je suis parfois perdue.
Qui a une petite idée, car j’ai beaucoup de dialogues dans mon bouquin et je n’ai pas envie de « m’amuser » à tout modifier à cause d’une simple erreur typographique.
Merci et bonne soirée. 🙂
Bonjour Sixtine,
Me concernant : si la phrase est assez longue, je coupe le paragraphe pour y mettre un tiret. À l’inverse, si elle se révèle courte ou si c’est une interjection, je mets des guillemets.
Ton exemple est assez parlant de ce que je suis en train de te dire. J’espère que cela t’aidera.
Je pense qu’il existe des façons différentes de conduire un dialogue. Si tu regardes dans plusieurs romans, il y aura forcément des différences sur la manière de l’auteur pour introduire un dialogue, le mettre en forme…
Bonjour,
Les dialogues commencent en principe par un guillemet et l’alternance entre les personnages est signalée un passage à la ligne suivi par un quadratin (tiret long alt 0151 sur un pc) . Cependant, les guillemets sont souvent omis dans les dialogues. Dans le cas d’un monologue, on met des guillemets et pas de quadratin.
le dialogue, rend le livre plus vivant, je trouve et c’est le plus amusant à écirre.Il suffit de se mettre dans la peau de son personnage. pas toujours facile et pas toujours réussi du premier coup,. On se fait sa petite impro de la journée sur un morceau de feuille blanche ou sur les touches de son clavier. j’écris aussi leurs « pensées » en cursif.
Article intéressant (comme toujours). Comme j’en suis à mon premier bouquin, ce n’est pas toujours évident de bien faire ressortir tous les personnages, d’autant que, pour la plupart (mais pas tous, heureusement), ils évoluent dans le même milieu socio-culturel (même le méchant 🙂 )
Heureusement que j’ai des jeunes autour de moi et que j’ai un petit-fils qui parle beaucoup (2 ans et 4 mois), cela me permet de mieux appréhender le langage « djeuns » (mais j’avoue que ce langage a tendance à me saouler et que je suis toujours occupée à reprendre mes filles quand elles utilisent des termes du style : kiffer, en ma présence du moins. Je déteste ce mot et bien d’autres, surtout le langage rap, mais cela n’engage que moi, évidemment !
A ciao, bonsoir !
Merci pour ton partage Sixtine, très intéressant et… je kiffe 😉 😉
L’article est très intéressant. J’imagine que ça doit rendre le récit plat si tous les personnages ont la même façon de parler. J’ai encore du mal avec ça, mais j’essaye en contre partie de rajouter des tics ou des mimiques à certains personnages pour mieux les différencier. En tout cas très bon article 🙂
Les personnages = un travail important (et intelligent) à fournir 😉
Mon astuce pour faire ressortir les différences de langage : vraiment travailler en amont les personnages. Ainsi, même sans ajouter constamment des tics et expressions, on peut arriver à reconnaître qui parle.
Un passionné de littérature citera ses oeuvres fétiches tandis qu’un scientifique cherchera à tout expliquer de façon rationnelle ; un tel, très timide hésitera, un autre peu sûr de lui, donnera le change en posant sans cesse des affirmations, etc.
Bref, un peu de psychologie et beaucoup de travail de réflexion !
Attention toutefois, que ce soit en ce qui concerne les expressions, les tics, les citations à ne pas trop en faire : il ne faut pas que les dialogues deviennent lourds et artificiels ! Je ne suis pas certaine qu’on puisse constamment reconnaître qui parle lorsqu’on entend un dialogue entre personnes de même culture, niveau social etc.
Merci de ta réflexion Rébecca.
Effectivement, il ne faut pas tomber dans le piège à vouloir différencier ses personnages sur tous les bords et de n’importe quelle manière. Le but reste bien de créer leur richesse en différenciant intelligemment ceux-ci.
Bien à toi.