Un vent glacial souffle sur écrire un roman. Il est l’heure d’aborder le sujet du personnage principal… « méchant » ! Mettons bien en évidence les guillemets et concentrons-nous sur ce qui fait un personnage principal méchant quelqu’un d’intéressant à suivre. Mais avant d’en arriver à ce stade, définissons en quelques lignes ce qui distingue ce protagoniste des autres.
Qu’est-ce qu’un « méchant », quand il est le personnage principal ?
Il faut commencer par s’entendre sur les mots. Définir le « méchant » est plus difficile qu’on pourrait le croire, surtout quand ce méchant est le personnage principal. Quand ce n’est pas le cas, on peut définir le méchant ainsi : c’est le personnage qui s’oppose au héros.
Mais quand il n’y a pas de héros au sens fort du terme ? Eh bien, dans ce cas, le méchant, ce sera celui qui s’oppose aux valeurs de l’auteur et du lecteur… en partant du principe – déjà discutable – qu’ils ont les mêmes valeurs. (Après tout, si un assassin écrit l’histoire d’un assassin, il considèrera peut-être son personnage comme un « gentil », mais la plupart des lecteurs ne seront pas de son avis.)
Je vais donc supposer par défaut qu’un certain nombre de valeurs sont universellement tenues pour bonnes, de par notre évolution, notre culture.
Dans cette perspective, disons que l’altruisme, la fidélité, le désintéressement, la modestie sont des caractéristiques de « gentil » et que l’égoïsme, la cruauté, la cupidité sont des caractéristiques de « méchant ».
Notons au passage que le méchant n’a pas tous les défauts du monde. Le méchant traditionnel est par exemple rarement paresseux. La paresse serait plutôt un trait d’antihéros. L’antihéros n’est pas vraiment un méchant ; et même s’il le devient, le lecteur aura souvent tendance à le mépriser ou à le prendre en pitié plutôt qu’à le craindre.
Le personnage principal d’Extension du domaine de la lutte, de Michel Houellebecq est de cette sorte : il finit par commettre un crime, mais il incarne une certaine faiblesse plutôt que le Mal avec un grand M.
Cependant, les qualités et défauts sont naturellement neutres. Il en va de même pour les valeurs. Tout dépend de l’utilisation que le personnage en fait. Un « méchant » peut être courageux tout comme un « gentil » peut devenir hypocrite dans ses relations.
Comment créer un personnage de méchant ?
Je pense que la règle essentielle, pour créer un personnage de méchant, c’est la mesure. N’en faites pas trop ! Si vous ne suivez pas cette règle, vous tomberez dans la caricature.
Je défendais l’autre jour l’idée que les héros un peu trop héroïques étaient ennuyeux, mais les méchants un peu trop méchants ne sont pas passionnants non plus !
Complexifiez donc la psychologie de vos personnages.
C’est la règle numéro 1 : accordez quelques qualités au démon que vous créez, quand ce ne serait que l’intelligence ou le courage…
Règle numéro 2 : montrez au lecteur ce qui a rendu le méchant si méchant. Sans forcément en faire des tonnes ! Pas d’explications laborieuses ! Mais, par petites touches, permettez au lecteur de comprendre ce qui a fait de ce méchant-là un « méchant. »
Cela va lui donner de l’épaisseur, de la densité.
À mon avis, le méchant auquel on s’intéresse le plus, spontanément, c’est… l’ancien gentil.
Pourquoi ? Peut-être parce qu’on se prend tous pour des gentils ! Pensez à Lucifer, ange déchu, à Judas, ancien apôtre ou, pour prendre un exemple moins religieux, à Dark Vador, ancien Jedi. Votre méchant doit avoir, comme un gentil, une âme, une histoire, des souvenirs heureux, douloureux… etc.
Le personnage « méchant » dans le roman, les plus et moins
Les plus :
En choisissant pour personnage principal un méchant, vous évitez aussitôt le piège de l’histoire un peu mièvre où « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ».
Même si le procédé est devenu relativement courant, il demeure d’une redoutable efficacité. On pourrait citer, parmi les romans contemporains qui reposent sur ce principe, American Psycho de Bret Easton Ellis, dont le personnage principal est un tueur en série, ou encore Les Bienveillantes de Jonathan Littell (prix Goncourt 2006), dont le personnage principal est un officier nazi.
Mais les exemples sont très nombreux : Judas, Hitler et bien d’autres ont été les personnages principaux de plusieurs œuvres ces dernières années.
Autre avantage, les méchants ont tendance à être dynamiques, et leur activité va donner du rythme à votre récit. Quand le gentil se contente souvent d’être gentil, le méchant, lui, fait le méchant ! Autrement dit, inventer un méchant, c’est souvent en même temps inventer une partie du scénario. Voleur, tueur, génie du mal ou séducteur sans foi ni loi, le méchant est toujours un principe dynamique.
Ainsi, dans un roman policier, même quand c’est le détective le héros, c’est bien l’assassin qui amène l’élément perturbateur, c’est lui qui engendre l’histoire.
Les moins :
En prenant pour personnage principal un méchant, on a moins de chances, a priori, de susciter l’identification du lecteur. Le lecteur narcissique qui a plaisir à se voir (en plus beau !) dans un roman passera peut-être son chemin.
C’est là que votre talent entre en jeu. Car les méchants les plus réussis suscitent l’identification malgré leur méchanceté. Prenez Crime et châtiment, dont le personnage principal, l’étudiant Raskolnikov, est un meurtrier. Tout l’art de Dostoïevski est de vous mettre dans la peau du personnage. Et au final, en tant que lecteur, vous êtes du côté du meurtrier et vous n’avez pas envie que la police l’attrape. Expérience troublante !
Même chose pour le fameux Lolita de Nabokov, dont le personnage principal peut être décrit comme un pédophile sans scrupules.
Quand le personnage principal est un méchant, le gentil est rarement intéressant. Je n’en ferais pas une règle, mais plutôt un constat. Fantômas par exemple, éclipse totalement les « gentils » Juve et Fandor. Si vous avez des contre-exemples, je suis preneur…
Il me semble que c’est comme s’il y avait une quantité de puissance dans le « héros », une autre dans le méchant, et qu’il ne restait pas grand-chose à un « gentil » devenu personnage secondaire – tout l’intérêt s’étant alors concentré dans le « méchant héros ».
J’espère que vous avez apprécié ce petit passage dans le côté obscur. Que la force plume soit avec vous !
J’aimerais que vous me donniez votre avis sur la conception d’un personnage principal « méchant » (entre guillemets, entendons-nous bien 😉 ).
Écrit par : Manuel .G
Pour moi, un méchant ne l’est que par rapport aux « standards » de moralité de notre société mais pour lui, ses actions ne sont que les conséquences des choix qu’il a dû faire pour vivre (survivre) dans le monde dans lequel il évolue. Dans mon histoire, il n’est qu’un truand qui a fait ce que les autres n’ont pas osé faire ou n’ont pas eu les moyens de faire. Ses valeurs sont justes différentes de la majorité des gens mais comme dit Blondin lors de l’assaut du pont (« Je n’ai jamais vu crever autant de monde à la fois ») est il vraiment pire que ceux qui déclarent les guerres ? Est il pire que ceux qui polluent délibérément dans le but de faire des profits ? A l’inverse il a d’autres valeurs : louer une gamine à des pédophiles ne le gène pas mais que ces derniers la tuent ne lui convient pas. Le lecteur peut se demander si c’est juste dans une vision lucrative (elle peut servir plusieurs fois) ou si il estime que c’est une des ses limites… Pour moi, le vrai méchant est celui qui inspire de la crainte au vu des horreurs qu’il pourrait faire et cela repose sur l’imagination du lecteur. Pour le nom du méchant, je part sur de simple nom+prénom et un surnom désignant son « style » plutôt qu’un Dark Killer de l’Enfer Sanglant. Le méchant met en valeur le héros, il doit donc être aussi profond que ce dernier
Le « méchant » dans mon roman n’est pas vraiment « méchant » c’est juste qu’il s’oppose complètement au personnage principal et fait de la vie dure que mène mon héro un véritable cauchemar… même si mon méchant n’agit pas volontairement. En fait, c’est à cause du caractère du héro tout ça, si il n’était pas si inflammable (colérique) il aurait pu tout simplement ignorer le méchant et voilà, plus d’histoire 😉
Les méchants sont toujours plus intéressants, plus charismatiques et plus classes, du moins s’ils sont bien faits. Exemples (cinématographiques il est vrai)
– Sharon Stone qui tue ses amants au pic à glace
– Alex Delarge dans Orange Mécanique
– Tony Montana dont on oublierait presque que c’est un caid orgueilleux et cupide
– Hannibal Lecter, le gourmet
– Sweeney Todd, son rasoir et sa vengeance
– Le Joker, sans qui Batman n’aurait pas fait carrière
– Le méchant dans Skyfall, me souviens plus du nom mais il a une classe incroyable
Y en a plein d’autres et c’est toujours eux que j’aime, plus que le héros. Dans les livres c’est pareil mais j’ai pas d’exemple en tête, à part quelques vilains de DC….
et si le personnage principale de l’histoire était gentil mais qu’il soie obligé d’être méchant car,par exemple,c’est un loup-garou,alors il doit laisser place a ca 2 éme nature.cela ferait-il une bonne histoire?
Bien sûr ! Quasiment n’importe quelle histoire peut être bien. Il suffit d’y mettre le temps, le travail, l’imagination, le talent et du coeur!
Bonjour,
Au sujet du méchant, je suis tout à fait d’accord avec votre article et les commentaires. Et bien entendu, il ne faut pas en faire trop et rendre ce personnage trop stéréotypé. C’est pourquoi, à moins qu’il soit un méchant extraterrestre sans âme genre « la guerre des mondes », il est préférable que ses motivations soient humaines et compréhensibles pour un lecteur. Vengeance ? Manque d’amour ? Nous avons tous des moments où on nous balance dans la figure qu’on s’est mal comporté dans telle ou telle situation, il y a de quoi s’inspirer pour grossir le truc et en faire un roman dans lequel le lecteur peut se reconnaître.
Quant au méchant qui s’est trompé de camp, ça me paraît tout aussi réaliste dans la mesure où on a un très bon exemple dans les films X-men. Ceux qui ont choisi de suivre Magneto plutôt que le professeur Xavier ont des motivations tout à fait valables, et même les raisons qui ont poussées Magneto sont compréhensibles : difficulté de vivre sa différence et incompréhension de la part des autres, traumatisme dû à l’expérience des camps de concentration et peur que la situation se reproduise envers les mutants…. Choisir de se faire discret ou choisir de lutter ? Franchement, peut-on juger leurs actes avec un simple « oui mais c’est pas bien ? » (bon, d’accord, des fois il faut quand même une morale et un cadre, sinon le monde entier fait n’importe quoi…)
L’amour, la reconnaissance, etc… sont aussi des raisons valables de se trouver dans le mauvais camp. Admettons qu’un homme abandonné de tous et laissé pour mort par ses soit-disants amis soit sauvé et réconforté par un grand méchant (peut-être qu’il lui rappelle son fils ? on peut trouver plein d’explication), il va probablement être de son côté au lieu de courir vers ses anciens amis (ceux qui l’ont abandonné, les lâches !). A mon sens, si on est capable de débarrasser son récit d’un trop-plein de manichéisme et qu’on accepte d’être devenu adulte (eh oui, les choses ne sont plus aussi tranchées dans la réalité que dans les contes de fées, même si c’est triste à dire), on rend les choses beaucoup plus intéressantes. Et si le héros peut avoir des défauts et des failles, c’est encore mieux car il n’y a rien de plus ch… qu’un héros trop gentil qui ne pense qu’à sauver les autres et qui a toujours raison : d’abord, on ne se reconnait pas forcément en lui parce qu’on a tous une part sombre, et puis n’oublions pas qu’il n’y a pas d’héroisme à agir comme on est programmé pour le faire. Car là où il est le plus courageux, c’est quand il lutte contre lui-même, il doute, avant de faire son choix final.
Ce qui est tordu, mais sans doute passionnant à lire, c’est le roman où le gentil et le méchant se ressemblent tellement que finalement, seuls leurs choix et leurs actes finaux pourraient les différencier, mais à part le Severus Snape gentil-méchant, je ne vois pas trop…
C’est tellement compliqué de se former un « méchant », surtout que chaque lecteur a une vision différente du méchant selon son vécu, son passé, ou ses références. Quant à mon méchant à moi, je l’ai forgé à l’image d’une personne tout à fait normale, comme n’importe qui. Pour moi ce n’est pas dans son caractère ou dans sa personnalité qu’il est méchant, c’est dans ses actes. Par contre j’ai une petite question : Quel nom pour un méchant ? Je ne voudrais pas tomber dans un nom cliché (genre Dark…) mais je n’ai pas trop d’idée…
L’un des miens s’appelait Logan Miller…
Si ton méchant est une personne normale alors donne lui un nom de personne normale ! XD (réponse qui tarde, désolé si en 2012 je n’écrivais pas d’histoire… je répond quand même au cas où quelqu’un comme tombe sur ce commentaire)
merci pour cet article! pour ma part je trouve ça fascinant de réussir à rendre attachant un mechant, autant en temps que lectrice et lorsque j’écris…. car même dans le monde réel , personne n’est vraiment gentil, ni d’ailleurs totalement méchant, il y a tant de nuances et de failles dans la construction d’une personnalité…
Moi j’avoue que Snape quitte rarement mon esprit, je suis une véritable Snape-addict (voilà, j’ai fait mon coming out) 😀
Non, c’est exactement ça Caroline. Bien joué, je n’y avait même pas songé sur le coup ! ^^
Juste une proposition d’exemple pour « le gentil qui s’est trompé de camp et se retrouve confronté à un super méchant » de Mélo : Severus Snape ?
Si c’est bien de ce genre de personnage dont tu voulais parler, je suis entièrement d’accord avec toi : par ce stratagème, quelle profondeur on peut donner à un méchant au point qu’il devienne encore plus héroïque que le héros lui-même !
Si ce n’est pas cela que tu voulais dire, bon, je retourne à mon tricot 😉
Méchant ou gentil, ce qui importe c’est que le héros paraisse réel. Aujourd’hui, le lecteur cherche un héros auquel il puisse s’identifier, qu’il puisse comprendre, que ce soit avec le secret désir de lui ressembler ou la sensation d’être bien meilleur que lui !
Eh oui, d’où l’exemple avec l’étudiant Raskolnikov. C’est un point important que beaucoup négligent. Plus le lecteur se sentira proche du personnage et mieux ce sera.
Oui, c’est aux yeux des lecteurs que tous se joue à mon avis… Je n’ai pas vraiment d’exemple sous la main pour expliciter ma pensée. J’aime les « méchants » qui réussissent à se faire envier des « gentils » par leurs valeurs. (Cette configuration à aussi le mérite d’instaurer une notion de respect entre les deux camps, mais ça, c’est une autre histoire…)
Il me semble que ce dernier paragraphe soulève beaucoup plus de chose qu’il n’en laisse paraitre…
« Parce que le méchant a posé une action néfaste aux yeux du gentil. » Ou le contraire ! Si on se positionne dans un monde où le mal règne en maitre, c’est l’action du gentil qui vient bousculer cette « harmonie noire ». En fait, tout dépendra de la vision qu’on se fait du monde à l’instant t=0.
Si a t=0, le monde est en paix, alors oui, le méchant devient l’acteur. Si, au contraire, le monde est un indescriptible chaos où chacun se contente d’être méchant, c’est le gentil qui imposera son rythme…
Tu ne trouves pas que dans les deux exemples, il sonne comme ci le « méchant » faisait déjà le mal tandis que le « gentil » finit par faire le gentil ? Peu importe que le monde soit en paix ou non à un moment T, le « méchant » agit (ou a agit) en premier dans les deux cas pour instaurer son action.
Après, comme tu le cites, tout dépendra de comment l’on aborde la chose et de la manière dont on la perçoit !
Mon « méchant » préféré, c’est le « gentil » qui c’est trompé de camps. Comme tout un chacun, il a ses défauts et ses qualités, mais pour une raison obscure, il a préféré servir « le côté obscure de la force ». Je veux que le lecteur se dise « si seulement il s’était trouvé du bon côté »…
De la même manière, j’essaye de toujours lui donner une super qualité. Par exemple, un homme cupide et sanguinaire, mais qui n’abandonnerait ses camarades pour rien au monde. Et, comble de la jubilation à mes yeux, je m’arrange pour que les qualités du « méchant » soient un jour confrontées au défaut du « super méchant » auquel il est allié. De cette manière le « méchant » passe pour un « gentil » lors de ce combat… Enfin bref, tout se que je raconte peu se résumer en ce mot que tu as appuyés en début d’article: mesure !
« Quand le gentil se contente souvent d’être gentil, le méchant, lui, fait le méchant ! »
Si le gentil se contente « d’être gentil », mièvre, rose et cotonneux, il entre pour moi dans la catégorie des antihéros. A mes yeux, un vrai gentil fait le gentil, (tout comme un vrai méchant fait le méchant). Il a une cause et se bat pour la défendre. Robin des bois n’est pas un héros parce-qu’il aime ramasser des fleures dans les champs, mais parce-qu’il lutte activement contre les « méchants ». Donc je pense que l’histoire sur le dynamisme et le rythme du récit vaut aussi pour les gentils.
Je ne suis pas certain d’avoir compris. Le gentil qui s’est trompé de camp… aux yeux des lecteurs ? J’imagine puisque je lis ensuite qu’il a préféré servir le côté obscur.
Je vois où tu veux en venir. Tu essayes d’instaurer de multiples conflits. Non seulement entre le méchant et les supposés gentils, mais aussi entre le méchant et le super méchant (ça fait beaucoup de méchants ça, non ? 😉 ). Pourquoi pas, cela peut-être intéressant de démarrer dans une mesure où le personnage principal est considéré comme méchant, et qu’il finit par renverser une certaine tendance face à pire que lui.
Voilà un point intéressant. Un gentil lutte activement contre un méchant. Pourquoi lutte t-il activement contre ce dernier ? Parce que le méchant a posé une action néfaste aux yeux du gentil. De base, le méchant a bien fait le méchant pendant que le gentil se contentait d’être gentil, avant de finir par faire le gentil.