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Une bombe dans le thorax – La Menace

Nous voici, déjà, au troisième article médico-littéraire de notre rubrique 😉
Aujourd’hui est un jour spécial (et je ne parle pas du fait que nous sommes un vendredi treize) :  nous allons non seulement voir un nouvel élément de construction romanesque, mais nous allons aussi joindre une interview concernant ces trois premiers thèmes.

La menace, késako ?

Non, ce n’est pas moi qui vous menace de vous recaler si vous ne connaissez pas bien les vingt-sept os de la main (quoique) ; la menace, c’est ce qui tiendra votre lecteur en haleine tout au long du récit, c’est ce qui le stressera et donnera son intérêt à l’aventure.

Dès lors, on comprend aisément son importance. La menace est l’ensemble des ligaments qui tient votre roman sous tension. Alors posez-vous une question : votre menace est-elle suffisante ?

  • Assez pour motiver les personnages qui n’auraient pas de buts personnels ?
  • Assez pour donner une impression d’urgence, de danger ? Suffisamment grave ? Par exemple, dans « Le Seigneur des Anneaux » (tome 1), on sent le danger représenté par les Nazguls. Si Frodon n’arrive pas à temps, il va mourir (pire même).
    Imaginez la même histoire sans les Nazguls, et l’intérêt descend presque à zéro. Une petite promenade de santé avec quelques embûches, rien de bien stressant, et, donc, sa fin sera peu satisfaisante.

Comment construire une menace suffisante ? Y a-t-il une formule chimique miracle ? Oui et non : on peut, en tout cas, vous donner des pistes sur lesquelles opérer pour tenter d’aggraver la vôtre :

  • La rendre mortelle (comme une bonne vieille décapitation à la française). La mort est grave, irréversible (ou presque), et elle pourrait motiver n’importe qui. Si le danger est simplement de vous faire un bleu sur la fesse, la menace sera tout de suite moins stressante… Prenons l’exemple d’une dangereuse ascension sur une montagne abrupte, la menace de la chute ne sera pas la même à un mètre du sol qu’à cinquante…
  • La rendre insupportable (comme une envahissante plaque d’eczéma). La menace peut advenir même dans une situation déjà négative : dans ce cas, on rendra la situation insupportable de par la répétition ou l’aggravation. C’est ici qu’on classera, la plupart du temps, les menaces d’ordre psychologique.
  • Lui donner un caractère urgent, imminent (ai-je oublié de vous dire que vous n’avez plus que sept jours à vivre?). Si votre menace manque de pêche, rajouter un élément d’urgence ou d’inévitabilité, faites en sorte de faire monter la pression. C’est la technique du bon vieux compte à rebours : en quoi une séquence de désamorçage de bombe serait stressante si le délai était infini ou exagérément large, ne nécessitant donc aucune urgence. Bien qu’elle resterait mortelle, si Bill le démineur arrivait sur les lieux en disant : « tranquille, j’ai le temps, je vais d’abord manger mon sandwich…», vous n’aurez plus cette impression de menace.

Voilà quelques pistes pour retravailler votre intrigue, il ne vous reste plus qu’à les appliquer et vous creuser les méninges !

 

Interview

Sans plus attendre, allons déposer nos scalpels et bistouris pour écouter l’interview de deux autres chirurgiens du livre au sujet de l’inspiration, de la base et de la menace 😉
: Manon, auteure de Dark Fantasy
G : Gwen, auteur de Science-fiction militaire

(Ps : si au départ je comptais vous mettre uniquement la réponse d’un interviewé par question, vous pouvez constater qu’à certains endroits j’ai finalement laissé les deux, tout simplement au vu des différences entre les auteurs qui, je pense, méritaient d’être retranscrites.)

 

Comment l’inspiration vous vient-elle ? Comment/où avez-vous trouvé l’idée de votre dernier roman ?

M : L’inspiration m’est principalement fournie par les forums rpg sur lesquels je joue depuis dix ans maintenant. Pour les Légendes Faës, j’ai récemment eu l’idée de remettre un vieux personnage au goût du jour et tout est parti de là…

 

Quelle technique utilisez-vous contre les blocages ?

: Je discute beaucoup avec mes bêta lectrices. Quand une scène me bloque, elles ont toujours une bonne suggestion à me faire parce qu’elles ont un œil extérieur et parviennent à envisager la situation sous un autre angle.

G : Si je bloque, dans un premier temps j’écris tout ce qui me vient et souvent ça marche. Si l’appétit vient en mangeant, pour moi, il en va de même concernant l’écriture. Il faut garder confiance, se donner du temps, prendre de la distance et, surtout, se libérer l’esprit.

 

Notez-vous toutes vos idées ? Même celles qui ne débouchent sur rien ?

G : Absolument, j’ai toujours de quoi noter mes idées, même les plus saugrenues. L’un des personnages les plus importants l’est devenu grâce à une idée retravaillée, que je considérais pourtant comme inexploitable. On ne sait jamais de quoi on peut avoir besoin !

 

Participez-vous à des concours d’écritures, des appels à textes ? Pourquoi ?

: J’ai participé à plusieurs appels à textes l’année dernière et début de cette année. Au début, c’était surtout pour écrire de manière concrète en dehors du rpg, mais, ensuite, j’ai trouvé ça amusant et enrichissant, c’est un vrai défi d’écrire sur un thème imposé. Depuis que j’écris ma trilogie, je n’ai plus pris le temps d’en faire.

 

Comment avez-vous trouvé vos contexte et intrigue de base ? Les deux allaient-ils de pair ou a-t-il fallu deux réflexions séparées pour les identifier ?

G : Dès le début, le héros devait pour moi être directement lié et impacté par le contexte. Ce sont des décisions globales, politiques, qui ont fait de lui ce qu’il est. L’intrigue est elle-même liée au contexte, ce sont deux éléments interdépendants.

 

Comment avez-vous procédé dans la création de votre univers ?

G : Je me suis inspiré d’exemples dérivés de mon quotidien et de choses que je souhaiterais voir dans la science-fiction. J’ai établi une fiche pour chaque personnage et technologie, pour les sociétés, les armes… J’ai créé la chronologie, listé les points faibles pour les corriger, et je creuse souvent les détails. Si tout n’est pas inclus dans le livre, j’ai à ma disposition un grand nombre d’éléments qui me permettent de garder un tout cohérent.

: Tout est dans ma tête. Je sais que ça étonne beaucoup de gens, mais je prends très peu de notes manuscrites, parce que le monde de la Faery se dessine dans mon esprit à mesure de mes rêves, de mes idées et de mes lectures. Pour ça, j’ai une excellente mémoire. Dommage que ça ne vaut pas pour tout !

 

Pensez-vous que votre intrigue est solide ? C’est-à-dire orientée vers sa fin et dotée d’une menace suffisante ?

G : Je pense que oui, d’un côté, on suit le héros dans son combat au quotidien et, de l’autre, on plonge avec lui dans des intrigues politiques, militaires et existentielles. Si, tout au long de l’histoire, la pression augmente, c’est pour finir par se dévoiler et expliquer de nombreux points de l’intrigue, incompréhensibles auparavant. C’est pour moi comme une grande toile d’araignée dont le lecteur prend conscience au fur et à mesure de la lecture.

M : Je pense que oui, après, c’est assez subjectif. Un auteur ne dira jamais qu’il pense que son histoire ne tient pas la route, mais, pour ceux à qui j’ai déjà pu faire lire le manuscrit, ils avaient hâte de découvrir la suite, donc…je suppose que oui.

 

Quels procédés avez-vous utilisés pour rendre votre menace stressante ?

M : J’évite de rendre la menace totalement visible. On sait qu’elle est là, elle est latente et on se surprend à l’oublier. Quand la piqûre de rappel arrive, ça peut piquer !

G : Le héros est confronté à différents dangers, et s’il croit maîtriser la situation au début, il s’aperçoit vite que rien n’est simple. Le danger de mort est omniprésent mais on se rend compte qu’il y a encore pire. Que l’on s’identifie ou non au personnage principal, j’ose espérer que la menace majeure ne laisserait tout de même personne de marbre.

 

Merci à tous les deux pour votre temps et vos réponses 😉
Quant à nous, nous nous retrouvons dans un mois pour un check-up sur les genres. En attendant, essayez de ne pas mourir dévoré par un chat noir ou écrasé par une échelle…

À bientôt !

Aur