J’ai toujours été impressionnée par le pouvoir des histoires. Leur valeur sacrée donne à l’auteur un rôle quasi religieux.
D’ailleurs, les histoires trouvent leur source dans les religions.
Pensez à la Bible qui foisonne d’intrigues saisissantes, d’aventures fantastiques et de personnages inoubliables. Aux dieux grecs, qui ne rougiraient pas devant nos séries télévisées. Sans omettre les récits chinois, les sagesses indiennes, les contes africains, les initiations amérindiennes… Les auteurs sacrés nous offrent leurs inspirations, leur ouverture sur un au-delà de l’homme et du monde, qui leur donne sens.
Si la fin du Ve siècle grec, puis la fin de notre Moyen Âge, les narrations se sont détachées du religieux, elle n’est pas si lointaine cette époque où, après une dure journée de labeur, l’on se réunissait près de l’âtre pour écouter avec attention les anciens conter mille et une histoires porteuses de morale.
Les fabliaux (ces petits récits simples et amusants) abordaient les tracas de la vie quotidienne et les défauts humains pour dénoncer par leur humour des faits de société (la femme infidèle, le bourgeois avare…) et pousser l’auditoire à réfléchir et à se changer en profondeur.
« J’ai ouï conter qu’un vilain, en compagnie de deux bourgeois, s’en allait en pèlerinage : ils faisaient dépense commune. Ils n’étaient pas loin du lieu saint quand l’argent vint à leur manquer… »
Anonyme, Les Deux Bourgeois et le Vilain, Fabliau
Dans notre « Occident », la parole des patriarches a laissé place à l’encre et à la plume ; le théâtre sacré a cédé sa place au profane, à l’opéra, au cinéma…
On ne se retrouve plus autour du feu, on se vautre devant la télévision.
À l’heure où les individus s’isolent dans un monde démesuré, où les États et les ONG monopolisent le partage et la générosité — quand ils ne sont pas emprisonnés par la recherche aveugle du profit ou étouffés par la boulimie médiatique — le rôle des auteurs est plus que jamais vital.
Le rôle des histoires…
Les récits ont le pouvoir non seulement de nous faire rêver, mais également de nous grandir, de nous amener à réfléchir au sens de l’existence, aux vices et aux vertus dans nos vies, dans nos sociétés et de nous pousser à nous transformer.
Une bonne histoire est porteuse d’un message, d’une morale. Certes elle nous divertit, mais cela va plus loin. Qui ne s’est jamais identifié au héros qui jusqu’au bout, lutte pour ses convictions, se bat contre l’iniquité… Vous êtes-vous déjà dit, après une dernière page : « Oui, moi aussi je peux changer le monde ! » Ou peut-être était-ce une énergie nouvelle qui vous rendait léger, comme un surplus de vie…
Albert Camus nous explique dans « L’homme Révolté » :
« Qu’est-ce que le roman, en effet, sinon cet univers où l’action trouve sa forme, où les mots de la fin sont prononcés, les êtres livrés aux êtres, où toute vie prend le visage du destin [1]. Le monde romanesque n’est que la correction de ce monde-ci, suivant le désir profond de l’homme. Car il s’agit bien du même monde. La souffrance est la même, le mensonge et l’amour. Les héros ont notre langage, nos faiblesses, nos forces. Leur univers n’est ni plus beau ni plus édifiant que le nôtre. Mais eux, du moins, courent jusqu’au bout de leur destin et il n’est même jamais de si bouleversants héros que ceux qui vont jusqu’à l’extrémité de leur passion, Kirilov et Stavroguine, Mme Graslin, Julien Sorel ou le prince de Clèves. C’est ici que nous perdons leur mesure, car ils finissent alors ce que nous n’achevons jamais. »
Le rôle de l’auteur…
Depuis la naissance de la littérature, le devoir de l’écrivain, au-delà de nous faire rêver, est de changer la nature humaine en la décrivant avec humour, exagération ou ironie, afin de nous amener à une prise de conscience. Quelle que soit l’époque, le style employé… tout romancier cherche à créer une proximité avec le lecteur pour en dénoncer ses failles et lui permettre de renouveler son regard et changer le monde.
On nous répète cet argument stupide que nous ne reproduisons pas la nature dans son exactitude. Eh ! Sans doute, nous y mêlerons toujours notre humanité, notre façon de rendre. » Émile Zola
En effet, l’auteur nous transmet par ses personnages, un morceau de lui-même, de ses convictions. Chaque résolution d’intrigue amène explicitement ou implicitement à une morale. Véritable militant, l’écrivain pousse son lectorat à penser de manière différente, à comprendre le monde autrement et même parfois, à se transformer, à s’armer de courage pour devenir à son tour le héros de sa propre destinée.
… Et votre rôle ?
Quels romans ont façonné votre perception de la société ?
Entendre ou lire une histoire, ce n’est pas seulement se divertir, se changer les idées, mais intégrer de nouvelles valeurs, se préparer aux combats de son époque.
Lorsque vous ouvrirez votre prochain livre, tentez de voir au-delà des mots, de sentir les changements qui s’opèrent en vous à chaque page qui défile.
Quand vous rédigez un texte, prenez le temps de contempler l’univers et les personnages que vous avez créés et demandez-vous :
« Comment mon histoire participera-t-elle à la transformation du monde qui m’entoure ? »
Je pense que, très souvent, on ne se rend pas compte du pouvoir des histoires. Il est en effet important, en tant qu’écrivains, d’être conscient du message que l’on veut faire passer ! 😉
J’ai beaucoup aimé cet article, surtout la façon dont il a été écrit. Je suis entièrement d’accord avec l’identification du lecteur au héros, et son impact sur la pensée de celui-ci. Et à mon sens, c’est la plus grande épine au pied de l’écrivain, le message qu’il ve transmettre.
j’apprécie ce que vous avez abattu comme boulot et du courage a vous veuillez m’inspirer davantage pour que mon prochain puisse être effectif
J’ai compris chose: Ecrire c’est transformer des vies, voire notre environnement.
Merci!
Merci Christine, très bonne réflexion à laquelle j’adhère, par mes petites nouvelles j’essaye à mon humble niveau d’ouvrir ces pistes de réflexion
Très bel article qui me rappelle les réflexions que je me fait (et que j’écris) au niveau du rapport « être humain- environnement ».
Je pense que le seul reproche qu’il est possible de faire à une œuvre de fiction, est sa dimension fictive: Les choses qui arrivent dans la « vraie vie » apportent une prise de conscience après coup des citoyens. Or avec la fiction, les mêmes choses racontées ne sont pas réellement arrivées. Même si beaucoup d’œuvres fictives dénoncent des choses effectives, je ne sais pas si la prise de conscience atteint le sommet de la pyramide.
Très bel article, Christine, bravo ! Cela fait remonter de vieux souvenirs, des lectures d’autrefois qui « remuaient les tripes »… Des soirées plus enrichissantes que celles passées devant « Les Experts » ! (mais je n’ai rien contre « les experts », attention !) 🙂
Merci Chasseuse 🙂
Bel article, cela me fait penser au bon vieux temps dans ma ville natale. Nous étions nombreux à se rassembler autour de nos parents, de nos voisins pour écouter des contes. Mais en grandissant je me rends compte que c’était plus que des contes. On nous parlait du passé, des tares de notre société ensuite on prenait le soin de nous aider à tirer une morale capable de nous aider dans le présent et le futur. L’histoire est aussi là pour donner vie aux valeurs humaines.
Merci, Wolf, quelle merveille d’avoir connu de tels moments de partage 🙂
Merci beaucoup Christine pour ce merveilleux article . Cela redonne beaucoup de courage et explique de manière claire ce que voudrez faire entendre un écrivain à travers sa pensée . Vous venez également de prendre la défense de tous , vis à vis de l ‘ audio – visuel qui fait souvent départir les gens de la lecture pour un autre divertissement de l ‘ esprit . Quant à la moralité à travers l ‘ écriture , c ‘ est à cela que je m ‘ efforce afin de faire réfléchir le lecteur . Encore merci et bonne continuation .
Merci pour ce message Ouerk, comme tu le dis, l’audiovisuel (qui est tout de même un bon divertissement selon les programmes) détourne les individus de la littérature et de tout ce dont elle est porteuse 🙂
Très bel article, donner du rêve, de la magie, une aventure, du mystérieux et une morale est un de mes plus grands souhait lorsque j’écris. J’aime a croire que je touche une seconde réalité quand les mots se forme pour crée l’histoire 🙂
Merci, beaucoup Lucy. Quand on pose de soi sur le papier, on touche toujours à une seconde réalité 😉
Si après avoir lu cet article, on a pas la plume qui nous démange, je mange ma muse ! XD
Oh, non, Gaëlle, je t’en supplie ne mange pas ta muse. Comment feras-tu ensuite ? 😉
Bonjour!
C’est un merveilleux article! Tout est dit! Cet article m’a rappelé que moi-même me suis déjà remise en question grâce un roman. Ca donne effectivement envie de continuer l’écriture pour cette raison bien précise dictée dans votre article! Plus qu’à se mettre à l’écriture….
Merci beaucoup Christine! Bon dimanche!
Merci, Blodwyn, oui nombreux sont les romans qui nous changent. Personnellement, c’est ce désir de pousser mes lecteurs à la réflexion qui me motive à écrire et à me dépasser moi-même finalement 🙂
Article à la fois excellent et motivant pour écrire. Je frémis d’impatience en imaginant combien mon roman pourrait changer l’état d’esprit d’un lecteur. En tout cas, c’est ce que je cherche par mon roman en cours : faire prendre conscience au lecteur de certaines dérives (personnelles et dans la société) et l’amener à se poser la question de changer (lui-même ou son environnement). Merci Christine !
Merci Magali, je suis certaine que ton roman sera porteur d’un vrai message 🙂 Au plaisir de te lire 🙂
Eric et Christine, Je suis « addicte » au chocolat mais aussi aux articles du dimanche matin. J’aime le dimanche ! Et comme je suis en pleine réécriture, je me pose tout de suite la bonne question. Mes marraines seront contentes.
Oui !! 😉
Merci Dominique, je suis moi-même accro au chocolat 😉 et au dimanche matin 🙂
un article très intéressant. je le recommande.
Merci beaucoup Julie 🙂