Le personnage principal fait entrer dans l’histoire grâce à l’identification. Le lecteur est conduit à vivre l’intrigue plus ou moins par ses yeux.
Voyons comment l’auteur peut y arriver.
Vos réponses
En réalité cette réponse est complexe, au même titre que l’ensemble des mécanismes des histoires.
Et les réponses que vous avez apportées suite au précédent article le montrent bien. Vous êtes nombreux à dire que le personnage principal devrait :
- – avoir une faiblesse, une faille, un défaut…
- – avoir des qualités, des vertus, être foncièrement bon…
- – avoir un objectif, un obstacle, une évolution…
- – être proche de nous…
Mais ce n’est pas suffisant pour le distinguer des autres personnages, qui peuvent eux aussi avoir leurs faiblesses et leurs qualités, leurs objectifs et leurs obstacles, et même parfois être plus « sympathique » que le Personnage Principal, au sens où on l’entend dans la vie de tous les jours.
Alors, d’où le Personnage Principal tient-il son statut si particulier ? Pour mieux le comprendre, je vous invite d’abord à regarder ce que donne une histoire quand il est absent.
Le Carnet de Bord
Imaginez qu’un auteur cherche à raconter une histoire dans laquelle se déroulent des événements dramatiques :
- – La menace lugubre d’un fantôme
- – La disparition subite d’une mère de petits enfants
- – Un voisinage très envahissant et manipulateur
- – Un cambriolage violent
- – Des secrets de famille douloureux
- – La quête d’un trésor, etc.
Tous les personnages sont confrontés à ce problème et réagissent. Chacun peut montrer ses qualités et ses défauts, sa motivation, sa manière de considérer le but de l’histoire et pourra tenir son rôle (on en trouvera un qui le cherche, un autre qui s’y oppose, etc.).
L’auteur peut choisir d’abord de prendre un poste d’observateur extérieur : il note scrupuleusement tous les faits et gestes, les relations et les conflits de ses personnages.
Son carnet de bord enchaîne logiquement les événements, analyse les relations entre les personnages, leurs choix et leurs actes et suit la chaîne de cause à effet jusqu’à la situation finale.
Ce carnet de bord est la matière brute de l’histoire. Mais il ne constitue pas encore l’histoire à proprement parler, celle qui implique vraiment le lecteur.
Car il y manque le cœur.
Le Personnage Principal, cœur de l’histoire
À toutes les étapes de l’écriture d’une histoire, l’auteur doit faire des choix et s’y tenir jusqu’au bout.
En choisissant le Personnage Principal parmi les autres, il le met en valeur en racontant plus particulièrement comment ce personnage vit l’intrigue (certaines de vos réponses vont d’ailleurs dans ce sens).
Les autres personnages peuvent aussi être attachants, vivre du conflit, susciter pitié et sympathie. Ils peuvent même être temporairement le centre d’une scène.
Mais le Personnage Principal de l’histoire s’en distingue parce que l’ensemble de l’histoire se construit autour de lui, de ses actions et de ses choix.
Alors que tous les personnages partagent un même problème, le Personnage Principal affronte son problème personnel, en parallèle.
On le voit évoluer ou au contraire tenir bon : son évolution (ou sa persistance) est cruciale car c’est sur lui que repose la réussite ou l’échec de l’histoire.
Par ce procédé, l’auteur peut même pousser son lecteur à s’identifier à un tueur en série, à un robot ou à tout autre personnage a priori éloigné du lecteur (enfin… j’espère, hein !).
Pour permettre l’identification, il est important que le lecteur comprenne rapidement lequel est le Personnage Principal de l’histoire.
Il n’est pas nécessaire qu’il soit le premier personnage à apparaître. Dans des cas extrêmes, il est même possible de transférer l’identification d’un personnage à un autre en cours d’histoire (je ne peux pas développer ici).
En revanche, il est essentiel de le distinguer des autres personnages, en gardant sa perspective personnelle tout au long de l’histoire.
C’est ce que nous allons voir maintenant, avec une affaire de tapis (gardez le fil !).
Les Chaînes : Objective et Principale
Dans une tapisserie, il y a deux sortes de fils : les fils de chaîne parcourent la tapisserie dans la longueur et supportent le fil de trame qui est le seul à vraiment apparaître pour dessiner les motifs de la tapisserie.
Une histoire est construite de la même façon : les chaînes parcourent la longueur et supportent la trame qui sert à la narration.
- La Chaîne Objective correspond au carnet de bord de l’observateur extérieur (qui l’observe « comme un objet », d’où son nom de Chaîne « Objective »). Elle développe l’enchaînement de l’action générale.
- La Chaîne Principale correspond à la perspective du Personnage Principal. Elle développe l’enchaînement de son action personnelle.
(Il y a d’autres Chaînes, que je n’aborde pas ici)
La trame de l’intrigue croise successivement les différentes Chaînes, et ce, à plusieurs reprises, pour tisser l’évolution de l’histoire par les événements mis bout à bout. Chaque croisement avec une Chaîne, la trame montre l’évolution correspondante.
Ce qui veut dire que pendant la construction, dans chaque grande partie de l’histoire, certaines scènes sont posées spécifiquement pour raconter l’évolution de l’histoire générale, d’autres sont là pour raconter celle du Personnage Principal.
Le lecteur, s’il se laisse porter par l’histoire, n’a pas conscience de ces chaînes. Mais en analysant, il devrait pouvoir reconnaître quelle scène appartient à quelle Chaîne.
Bien sûr, une narration n’est pas un puzzle. C’est un enchaînement vivant. Ainsi, une scène peut tout à fait appartenir à plusieurs Chaînes. Elle en sera d’autant plus riche. Mais l’auteur doit d’autant plus garder à l’esprit en quoi cette scène appartient à l’une ET à l’autre Chaîne.
Les petits papiers
Un petit truc pratique : utilisez des cartons de couleur pour construire vos scènes !
Une couleur pour la Chaîne Principale et une couleur pour la Chaîne Objective. Numérotez les dans un coin et résumez chaque scène concernant l’un ou l’autre.
Vous pourrez ainsi suivre l’évolution propre à chaque Chaîne (et voir s’il y a un manque), tout en pouvant les mélanger.
Au boulot !
Eric
P.S. Si cet article vous a plu, soyez généreux avec vos amis : partagez-le sur les réseaux sociaux et envoyez le lien par email à votre carnet d’adresses (parfois on ne se doute pas qu’on côtoie des auteurs) ! Voici le lien court de cet article: http://www.ecrire-un-roman.com/?p=6126
P.P.S. La semaine prochaine, nous avons un programme chargé :
- > Mercredi, Jérémie nous écrira un article sur les personnages enfants
- > Mercredi encore, vous pourrez choisir un livre à lire pour les Chroniques de Lilou & Claire
- > Et Dimanche, j’enverrai la lettre par email aux inscrits, comme d’habitude. Je vous y révèlerai un véritable SECRET, que vous ne trouverez nulle part ailleurs sur Internet (et pour avoir épluché pas mal de bouquins de dramaturgie, je pense que personne n’a jamais vraiment fait le rapprochement). C’est un peu théorique, aussi je le réserve normalement aux auteurs avancés… Mais je sens que vous êtes motivés. Vous y apprendrez Pourquoi l’être humain a tant besoin qu’on lui raconte des histoires. Si vous n’êtes pas encore inscrit, il est temps de le faire, avant dimanche ! (tant pis pour les retardataires! Ils auront les surprises suivantes !).
Et comme je suis gentil (si, si !) voici de quoi vous aider :
Il est cool ce site
J’ai commencé est ses bien partit ! Merci😙
Étant quelqu’un de très visuel, un petit exemple de construstion avec le truc des papiers n’aurait pas été de refus. J’ai tenté d’utiliser cette technique, mais je n’y arrive pas. J’ai l’impression que je ne le fais pas correctement et que je ne comprends pas comment je place mes intrigues dans chacune de ces chaînes.
C Vréman tro b1en
bonjour et encore merci pour cet article.
Je trouve qu’il est assez intéressant, surtout le passage sur les différentes chaines. je voudrais juste apporter une petite nuance : il n’y a pas toujours un personnage principal. par exemple dans Belle du seigneur, il y en a deux. De même que dans les Piliers de la Terre, le personnage principal meurt au milieu de l’histoire, et les 500 dernières pages se font sans lui. Donc je trouve que votre article est intéressant, mais à nuancer à mon avis.
Bonjour 🙂
J’ai commencé à écrie une autobiographie d’une enfance de maltraitance. Seulement, je me rends compte que je n’arrive pas à romancer mon texte. Pour l’instant, je reprends des notes, que je détaille chronologiquement. Mais cela ressemble plus à une succession de faits. Il faut dire que cela se base sur des souvenirs. Ils ne sont pas du jours au lendemain, j’en ai plus à une période qu’à une autre.
Quelle technique conseillez vous pour mieux romancer mon histoire?
Merci à vous
Bonjour,
J’écris depuis de nombreuses années mais j’avais toujours fait ça par passion, moyen de défouloir. J’ai publié de nombreuses histoires sur internet et finalement j’ai pris conscience que la passion qui me guidait était autant motivatrice que le ressenti que me donnaient mes lecteurs.
Je me suis donc lancée dans un roman, construit, sur un sujet qui me tient à coeur, dans un univers de science fiction.
Seulement, dès le départ j’ai décidé de construire mon roman autour de ce personnage principal et j’ai donc décidé d’écrire ce roman à la première personne du singulier.
Je me retrouve donc dans une partie de votre article, mais j’ai beaucoup de difficultés à comprendre comment intégrer la partie objective car forcément, tout ce qui se passe est ressenti par mon héroïne ou par les personnages secondaires qui se confient.
Est-ce indispensable d’avoir un côté « objectif » dans un roman ?
J’avais pris cette décision après plusieurs pages d’écriture car justement je me trouvais trop « narrative » et j’avais des difficultés à exprimer le ressenti des personnages. Je trouvais, malgré l’intrigue construite et intéressante (enfin je l’espère !) que mon roman était plat. On ressentait difficilement les émotions des personnages et personnellement c’est l’effet inverse que je souhaite.
Si vous pouvez m’éclairer sur l’importance de cette pensée objective et si cela enlève beaucoup qu’elle n’y soit pas…
Merci d’avance !
Bonjour Mélanie,
Votre question est très intéressante et demanderait de prendre le temps d’approfondir vraiment. Mais je veux quand même vous mettre sur la voie en quelques mots.
Il faut distinguer la façon dont vous construisez votre histoire et la façon dont vous la racontez. La partie objective de votre histoire doit pouvoir transparaître plus ou moins dans votre narration à la première personne.
Le plus simple est de construire votre histoire objective sous la forme d’un plan détaillé, pour qu’ensuite vous puissiez réfléchir à comment la montrer à votre lecteur par les yeux de votre personnage principal.
Merci pour votre réponse.
Comme piste de réflexion par rapport à votre article (parce que oui, j’écris par instinct, sans trop me poser de questions mais en même temps j’ai envie d’une histoire construite donc je prends les conseils avisés !), je pense continuer à écrire mon histoire du point de vue de l’héroïne.
Puisque c’est elle qui raconte l’histoire, elle donne son avis sur les situations mais tout en se posant des questions sur ses points de vue. Sont-ils les bons ? Ce qui laisse une part plus ou moins objective au lecteur et lui permet de penser de lui même.
Enfin, l’héroïne « décrit » les situations puis donne son ressenti.
Pensez vous que je respecte le schéma ainsi ?
Merci pour vos éclaircissements 🙂
J aimerais et j ai envie de commencer depuis longtemps mais mes idées sont confuses(type de roman)
Le récit d une vie compliquée mais interessante(joies de la famille,amour,enfance heureuse à la campagne,maladie puis le handicap puis l amour d une femme mariée en l occurrence une cousine .Plus plus plus)
il faut que j essaie de tisser tout ca.
Pascal.
bonjour à tous,
je m’appelle Manuela, j’ai 35 ans et cela fait quelques années que j’ai cette envie d’écrire. Ca va peut être sembler bizarre, mais j’ai fais un rêve il y a quelques jours et il m’a donné une idée d’histoire qui me plait. Seul problème, je ne sais absolument pas si ça pourrait interesser des gens. lol. J’ai envie de me lancer, mais j’ai peur que mon histoire soit ridicule ou « déjà vu »…
Ça ne sera pas ridicule , bien au contraire vu que j’ai déjà écris un livre devant mes amis ; ils ont lâché un petit ricanement et ont été ébahis !
Envoie moi un résumé SVP
Zachary : écrivain et poète en herbe de 12 ans
Bravo et merci
Merci 🙂
bravo éric
Merciiii 😉
Je ne suis pas vraiment d’accord avec tout ce qui est dit. Un livre peut avoir énormément de personnages principaux totalement différents et captiver le lecteur. J’ai bien sûr comme exemple le fameux Game of Trones (le Trône de fer) qui a beaucoup de succès en ce moment, et dont chaque chapitre se porte sur un personnage principal différent. Il y en a bien sûr d’autres peut-être moins connus, mais je reste convaincue que plusieurs personnages principaux peut vraiment donner un plus à un livre (à condition de savoir gérer et de ne pas perdre son lecteur, bien sûr).
Merci Mathilde de nous partager votre avis ! Je ne vais pas me lancer dans une analyse du Trône de Fer, mais je souhaite quand même répondre à votre objection, que je trouve très pertinente.
Je maintiens qu’une histoire ne peut avoir qu’un seul Personnage Principal (avec des aménagements narratifs, quand par exemple le rôle est tenu par un groupe, ou bien qu’il y a un transfert d’identification d’un personnage à l’autre…).
En revanche, la liberté de l’auteur ne s’arrête pas là : car un roman peut contenir plusieurs sous-intrigues, voire plusieurs histoires. C’est une pratique courante dans les séries par exemple.
Mais pour pouvoir écrire plusieurs histoires tressées les unes dans les autres, il faut déjà savoir en écrire une ! C’est pour cela que je conseille de faire simple. La simplicité est souvent plus efficace. 🙂
Bonjour Mathilde, Éric,
Je trouve que vous avez tout les deux raisons, très bonne intervention de Mathilde et réponse très claires, précise et objective d’Éric.
Cela me permet de mettre des mots sur des choses que je pouvais ressentir dans certaines histoires ou série.
Pour moi, le personnage principale est comme un enfant que l’on souhaite faire évoluer, grandir.
On peut très bien en avoir plusieurs, un benjamin qui arrivera plus rapidement a maturité que l’aîné, mais il y aura toujours un personnage, un enfant, qui sera aux coeur de l’histoire, et que les autres voudront faire grandir de bon gré ou mal gré eux et se sera celui ci, le coeur, qui sera LE personnage principale.
J’espère avoir su faire comprendre mon point de vue.
Belle image, que celle d’une famille : l’auteur s’attache à ses personnages.
Et il est vrai qu’on peut s’attacher à l’un plus qu’à l’autre.
Après, ce que j’appelle Personnage Principal a un rôle logique qui dépasse l’attachement qu’on peut en avoir. 🙂
Bonjour Éric,
Premièrement, bravo pour ces articles toujours enrichissants.
Pour faire suite à ta réponse faite à Perrine, je peux donner l’exemple de mon premier roman (en fait, c’est une série) dans lequel j’ai intégré 3 «personnages principaux». Dans un premier temps, je trouvais que cela me donnait plus de latitude pour que le lecteur/la lectrice s’identifie plus facilement à l’un ou l’autre des personnages (un féminin et deux masculin, tous trois avec des caractères bien différents). Par contre, il n’est pas dit que j’utiliserai cette approche dans mes prochains romans.
Merci Max, pour ce témoignage ! Du coup j’ai bien envie de voir comment vous avez fait, avec ces 3 Personnages Principaux !
Votre ouvrage est-il encore en promo gratuite ? (je vous envoie un mail comme vous le proposez sur votre site)
Eric
J’ai une petite question qui me tracasse
Est-il possible d’avoir 4 personnages principaux dans une histoire ?
Oui, c’est tout à fait possible, mais il faudra construire ce groupe comme un seul personnage. De sorte qu’ils ne se distingueront pas vraiment.
Mais en fait, la question qu’il faut d’abord se poser est : « pourquoi vouloir 4 personnages principaux ? ». On peut par exemple tout à fait imaginer un groupe de personnages autour du Personnage Principal, qui resteront collés et vivront les aventures avec lui. Il s’en distinguera, mais les autres auront pleinement leur place. On peut concevoir une Chaîne Principale moins présente que la Chaîne Objective…
Il y a plein de possibilités ! 🙂
Bonjour Eric, tout d’abord merci pour cet article, qui en tant que débutant m’aide énormément. Pour donner un petit exemple d’histoire avec plusieurs personnages principaux ou personnages importants qui gravitent autour d’un seul, je pense à la saga de la Roue du temps de Robert Jordan. Je trouve que le tissage entre les différents personnages y est très intéressant.
Merci Julien ! La Roue du Temps. Je note.
Bonjour Eric , pour tout simplifier ,je pense que le Tapis à double effet, résume tout .
Oui, la métaphore du tissage est ancienne. Je ne sais pas d’où elle vient exactement, mais peu importe : plus ça va, plus je la trouve forte. Il est bon de se rappeler que l’auteur est d’abord un artisan avant d’être un artiste !