Bonjour à tous ! :) Cet article participe au rendez-vous mensuel « Mots éparpillés » de Margarida Llabres et Florence Gindre, projet inspiré par « Mots sauvages » de Cécile Benoist.

Pour permettre à nos membres de participer à ce concours, nous avons mis en place sur le forum d’écrire-un-roman un nouveau jeu. Ce dernier permet de sélectionner un texte gagnant que nous affichons dans cette rubrique, chaque mois.
Sans plus attendre, voici celui qui a été sélectionné ce mois-ci :


 

Un vieil homme marchait le long de la rue principale. Sur son chemin, la plupart des devantures était closes, grillagées, seule une odeur de friture s’échappait d’un restaurant. En approchant de la mairie, il aperçut près du perron un tas de planches vermoulus, c’était les restes d’une estrades. Elle avait servi lors de la campagne présidentielle. Le vieil homme s’en souvenait, c’était il y a cinq ans, la ville traversait alors une grave crise. L’usine du coin menaçait de fermer ses portes. Le groupe financier, à qui elle appartenait, voulait repenser sa stratégie globale. Les ouvriers avaient fait grève, la presse régionale avait relayé l’information et même les médias parisiens s’y étaient intéressés. Il ne fallut pas longtemps pour que les principaux candidats à l’élection accourent et promettent, à quelques variations près, de faire de la ville un emblème de la réindustrialisation de la France.

L’usine fermât trois ans plus tard.

Les gens avaient bien tenté de résister ; le maire fit un très jolie discours, les syndicalistes compulsèrent avec acharnement la comptabilité fournie par la multinationale à la recherche du moindre espoir de reprise. Mais les chiffres étaient implacables, intraitables, l’activité était déficitaire. Depuis des années même. Depuis toujours en fait à la lueur des données. De mois en mois la résignation et l’impuissance s’installaient dans les cœurs. On ne revit aucun politicien. Les habitants partirent. Juste en face de là où était placé l’estrade on peut aujourd’hui lire sur un mur :

« c’est des mots ça veut rien dire »

Les mots ne veulent rien dire, c’est vrai se dit le vieil homme dans un sourire grimaçant, les chiffres non plus d’ailleurs, mais ils salissent. Une bise glacé s’engouffra dans la rue silencieuse, le vieil homme s’éloignât. Il repassera demain effacer le graffiti.


Texte de Broerec