aquarelliste

Bonjour à tous,

Ce mois-ci je vous emmène visiter la campagne milanaise et découvrir une auteure locale : Beatrice Masini, connue pour sa traduction de la saga Harry Potter.

Éditrice chez Bompiani, elle se consacrait à la jeunesse et reçut, entre autres, le Prix Andersen. L’aquarelliste, paru en 2014 aux Éditions des Deux Terres, est son premier roman pour adultes avec deux prix à son actif (celui de la sélection Campiello et le Manzoni du meilleur roman historique).

Pour quels lecteurs :

-Tout public ;

-Amateurs de romances ;

-Adeptes du farniente et se refusant à la prise de tête littéraire.

Bianca, une jeune femme orpheline anglo-italienne en âge de se marier ne le peut, faute de dot. Grâce à des relations, elle entreprend le voyage de sa vie : dessiner et peindre toutes les fleurs du jardin de don Titta. Ce poète botaniste en possède énormément et teste la culture de nouvelles espèces régulièrement. La tâche s’annonce longue et fastidieuse, mais ce n’est que le commencement de sa vie d’artiste.

De nature curieuse, elle ne tarde pas à mettre son nez dans des affaires qui ne la regardent pas. Entre les apparitions régulières de la dame en noir, ses suspicions sur la vie passée de donna Clara (épouse de don Titta) ainsi que sur la filiation d’une domestique surnommée Pia, Bianca endosse le rôle d’enquêtrice privée.

Quatre grands thèmes étroitement liés composent cette œuvre :

Le déterminisme emprisonne tous les personnages, particulièrement les femmes. Victimes d’une société qui prévoit leur vie à leur place sans qu’elles puissent faire entendre leur voix. Conditionnées par ce modèle social, elles deviennent aveugles et se voilent la face, se croyant toujours libres. L’arrivée de Bianca provoque un choc des cultures permettant de dénoncer (et découvrir) certaines pratiques de la vie milanaise.

La nature omniprésente avec ses noms latins et vulgaires va de pair avec la couleur locale et ses sonorités chantantes. Sa fonction principale est de créer une atmosphère particulière à Brusuglio : tantôt poétique, souvent bucolique et parfois lugubre. Symbolisant le cycle de la vie, en tant que modèle, elle fait le lien entre « nature vivante » et « nature morte » : vanité par excellence.

« L’art est un effort pour imiter l’inimitable »

Viennent ensuite les arts représentés par l’écriture et la peinture. Le premier, renvoyant à l’intellect, est l’apanage des hommes (tous des poètes à l’exception d’Innes, un précepteur anglais). Le second, appelant davantage à la sensibilité devient un « travail de femme », celui de Bianca du moins. S’il suscite bien des interrogations, il reste un moyen de s’affranchir du carcan établi par son statut.

« les feuilles, mortes depuis longtemps quand on contemple leur portrait suspendu au mur : tout cela est si gracieusement imité, et si vain ![…] Tout cela vaut beaucoup mieux en vrai qu’en effigie. Au contraire, les histoires écrites sont plus fortes, plus colorées, plus vivantes que la vie. »

Enfin, pendant de la vie fastueuse de Brusuglio, l’ombre, se manifeste, comme un événement surnaturel, lorsqu’on s’y attend le moins. Le passé (incarné par la dame en noir), la pauvreté dans les rues, le tour (système milanais de solidarité sociale au profit des enfants abandonnés) et le deuil sont autant d’occasions pour que cette obscurité latente et le déterminisme reprennent le dessus.

Au niveau du style, la focalisation externe suivant davantage la vie de Bianca devient une variante agréable de la narration à la première personne (qui aurait été un bon choix également). Si l’intrigue se complique au fur et à mesure, elle n’en reste pas moins captivante. Par contre, si vous cherchez des rebondissements trépidants et des retournements de situations réguliers, passez votre chemin car ici la sérénité est de mise.

Le verdict :

Pour moi, ce bouquin n’est pas le meilleur de sa catégorie et je le trouve fort peu documenté pour un roman historique. En effet, les références brillent par leur absence, si bien que la fiction prend le dessus. Cependant, il se lit bien et m’a emmené dans l’univers de l’auteure, teinté de contes de fées qu’elle égraine çà et là comme un rappel à ses précédents écrits. Tout ceci, porté par un protagoniste féministe avant-gardiste donne toutefois un effet rafraîchissant à l’ensemble.

Le style poétique demeure son grand point fort car il adoucit les choses les plus horribles qui se produisent dans la vie de ces femmes. J’ai eu l’impression qu’elle tentait d’imiter les grands classiques de la littérature en plus simple, comme pour fédérer tous les âges.

Enfin, dans une note, la romancière explique comment lui est venu l’idée de ce roman et apporte un peu de crédibilité. Néanmoins, ça change radicalement le rôle des personnages et enlève, malheureusement, un peu de charme à la narration. Sorte de pied de nez aux idées reçues, ce qui apparaît comme important ne l’est pas forcément. Si vous désirez lever ce dernier mystère, il vous faudra, encore une fois, passer outre les apparences.

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