— Coucou, Magali, comment tu vas ? Et bébé ?
— Hello, Gaëlle, ça va bien, je te remercie. Bébé va bien, bien mieux que moi, d’ailleurs.
— Comment ça ?
— Oh ! Moi, je suis tout le temps malade et lui, rien du tout. Il passe à travers les mailles du filet !
— C’est plutôt bien, ça, non ?
— Oui, c’est sûr, je ne m’en plains pas, mais parfois ça donne envie de redevenir un bébé !
— Pour porter des couches et se faire gagatiser ?
— Non, pour avoir toute l’attention et qu’on s’occupe de moi sans cesse…
— C’est vrai que c’est une période pleine d’amour, dommage qu’on ne s’en souvienne pas !
— C’est pour ça ! Demandons à nos bébés écrivains de raconter un souvenir (ou un faux souvenir) entre 0 et 2 ans !
— Oh oui ! À un moment clef de leur vie !
— Ça serait génial !
— À vos bavoirs… euh, à vos plumes, pardon !
— Et toi, Gaëlle, tu te souviens de quelque chose ?
— Pas vraiment, non. Mes premiers souvenirs datent d’après 2 ans, mais je vais essayer de me concentrer. Un moment me reviendra peut-être… et toi ?
— Oui, je me souviens d’une berceuse !
— Oh, ça, c’est vraiment trop mignon !!!
Je me réveille. Mes paupières clignent et mes poings se desserrent pour désengourdir mes doigts. Je sens de l’agitation en dehors, et -Ho! mais j’étais pas dans ce sens avant? Pourquoi suis-je baloté ainsi? Et ces bip-bips de quoi s’agit-il?
La poche qui me contient semble se contracter sur moi puis se relâche par intermittence. Les cris qui accompagnent ces mouvements sont ponctués par des pleurs et des jurons, mais j’entends aussi une sorte de bruit qui fait: « poussépoussépoussépoussépoussépoussépousséouiouioui », et à cause de ce bruit je me sens comme aspiré. Je sens du froid sur le haut de mon crâne, puis sur mon front. Quelques instants s’écoulent et mes yeux sont à présent inondés d’une lumière blanche et des formes s’agitent autour de moi. Je suis à l’étroit, vite qu’on m’aspire un peu plus!
A présent je suis dans les airs porté par deux bras, on me bascule et pour que mes poumons se remplissent d’air je crie de toutes mes forces. Je ne suis plus dans ma poche mais je suis enveloppé, frotté par un tissu , et l’on me dépose délicatement sur sa peau. Enveloppé de ses bras, j’entends son cœur battre rapidement à l’intérieur, mais les mots qu’elle m’envoie sont doux dans mes oreilles. Tout s’apaise.
(à ma maman.)
Bonjour! Voici ma participation, construite avec des bribes de vrais souvenirs que j’ai traduits dans ma tête. En portugais, ma langue natale, ça me semble plus naturel, mais je crois que ce n’est pas trop mal en français non plus. Merci pour ce sujet sympa qui m’a fait revivre un de ces bons moments de la simplicité enfantine!
« J’entends des pas qui approchent plutôt vite et avant de pouvoir me demander de qui il peut s’agir, deux visages familiers se penchent au dessus de moi.
– Bonjour Elza! -me disent elles joyeusement en choeur.
Je leur réponds avec un sourire et un mot qui, dans ma tête, ressemble à « bonjour ». Je n’ai pas du me tromper vu qu’elles ne me corrigent pas.
Je n’ai à peine plus d’un an mais je sais déjà parler un peu et sans aucun doute, c’est grâce à mes deux grandes soeurs. Sonia et Zélia qui du haut de leurs 16 et 14 ans respectivement, trouvent que je suis ce qu’il y a de plus intéressant dans leur vie.
Sonia me prend dans ses bras pour me sortir de mon lit à barreaux et me câline en m’emmenant vers la cuisine, et Zélia qui nous suit de près, s’amuse à faire de drôles de têtes pour me faire rire.
– Je veux la prendre! -insiste Zélia en s’asseyant à une des chaises.
Sonia me fait alors asseoir sur les genoux de notre soeur et me tend mon biberon de lait tiède.
Oui, j’ai beau savoir parler et marcher, j’ai toujours besoin qu’on prenne soin de moi et qu’on me donne des bonnes choses.
Je savoure tranquillement ce lait qui est si bon, qui me réchauffe et me régale lentement. J’ai envie que cet instant dure pour toujours. Câlinée par l’une de mes soeurs, mon autre sœur juste à côté et un bon biberon de lait. Il ne manque plus que la présence de papa et maman pour que ce soit parfait. Tous les quatre, ce sont mes personnes préférées!
Avant même de m’en rendre compte, le lait est fini et j’avoue que j’en prendrais bien davantage. Je le fait vite savoir à ma sœur avec une phrase bien à moi « donne le lait à la petite ». Je sais que je m’appelle Elza, mais quand maman leur dit cette phrase, elles me donnent le biberon, donc je dis pareil.
Mais Zélia me fait comprendre qu’un biberon c’est suffisant. J’ai envie de pleurer car j’en veux encore. Mais ma sœur me rassure en disant que je vais pouvoir avoir autre chose.
Sonia, qui regardait la télé, se lève et prends les biscuits dans le placard. Ce qui m’emplit de joie car je sais qu’elle va les émietter sur de la banane écrasée. Et ça c’est vraiment ce que je préfère manger. Elle en prépare avec amour et tend ensuite l’assiette à Zélia qui m’en donne petit à petit en faisant l’avion avec la cuillère.
Cette fois je suis bien satisfaite!
Ma sœur me pose par terre et je repars vers la chambre pour prendre mon lapin en peluche bleu qui est presque aussi grand que moi. Je le traîne par terre pour l’emmener jusqu’à la cuisine car je veux jouer avec mes deux sœurs.
Et avec leur tendre et infinie patience, elles jouent avec moi, comme à chaque fois.
C’est bon d’être la petite sœur et de les avoir près de moi. »
Quel beau souvenir Elza ! C’était très agréable à lire et à imaginer !
Merci! Ce fut un plaisir de l’écrire!
Alors, si mes souvenirs sont bons …
Ça s’est passé un jour où le soleil revenait après le froid et la neige. Une magnifique journée ensoleillée, et moi ensommeillée ! Je venais à peine de me réveiller, de me manifester par quelques pleurs finement choisis pour faire accourir ma tendre mère, qui me cajolerait, me bichonnerait, qu’importe, pourvu qu’elle s’occupe de moi en somme.
Et, comme je l’avais prévu, elle est venue mais m’a simplement attrapée et portée sur sa hanche. Satisfaite mais pas entièrement, je m’aperçue, que sur son autre bras pendait une masse humide, froide, et qui gratouillait mes mains boudinées quand j’essayais de l’attraper. Nous sommes sorties dehors; ma mère, moi-même et ce tas. Le soleil m’a ébloui et j’ai froncé des sourcils boudeurs en me renfrognant. Je ne comprenais pas bien, pourquoi subitement nous allions vers les fils du jardin. Je sentais l’air frais me chatouiller le cou, quand soudain je me rendu compte qu’une odeur agréable émanait de ce tas ! Ma mère le faisait diminuer en l’étalant et bidouillant je ne sais quoi, mon attention était portée sur … le tas. Alors je me penchais, encore et encore, n’ayant pas vraiment conscience de la lourdeur de ma tête, je contrebalançais comme je pouvais.
Ma mère se stoppa, comme mécontente, je réprimanda et me posa simplement dans l’herbe du jardin. Mince. La mission fut un échec et le tas diminuait encore et encore.
Me démenant comme un lionceau sauvage pour attirer de nouveau l’attention à moi, je tendais mes bras le plus possible en chouinant. Pas de réaction. Alors je tapais de pieds. Pas de réaction. Je criais légèrement. Pas de réaction. Mince mince ! Et je me mis en colère, j’allais taper du poing sur le gazon quand …
Une petite chose orange vif attira mon attention. Qu’est ce que cela pouvait être. Oublié le tas ! Un nouvel objectif venait de me tomber sous le nez. Il fallait que je l’attrape ! Coûte que coûte ! Ce bidule, nan ce machin n’était pas si loin. Je pouvais l’attraper, je le savais.
Après moult efforts non détaillés ici… je saisis à pleine main cette petite inconnue. Amusant, dans ma main, elle se rétractait, et collait légèrement comme un bonbon déjà sucé, avant de chercher à comprendre si cela avait une odeur, je voulais déterminer si ça se mangeait. Ma bouche était le seul testeur fiable de ce bas monde.
Alors pour le plus grand plaisir de ma mère et moi, voulant faire comme dans le roi lion, ou que sais-je avaler ce bonbon vivant, je suça allègrement cette limace bien dodue.
La suite je ne m’en rappelle pas bien, mais je sais que le souvenir de la bouche collante n’était pas fantastique du tout !
Désormais, je peux affirmer haut et fort que les limaces ne sont pas faites pour être sucées comme des sucettes.
A bon entendeur. 🙂
Beuark ! Bon, après tout on mange bien les escargots… Texte très sympa en tous cas !
Hahaha ! Si tu t’en souviens, c’est que ce n’était vraiment pas fameux à mon avis ! Heureusement, je ne me souviens pas de tout ce que j’ai pu essayer de manger !
Pas vraiment un souvenir, hein ! Allez, zou :
J’ai chaud. Très chaud. Je suis à l’étroit et le moindre mouvement est pénible. Et j’ai mal. Si mal… La douleur vient, repart, puis revient, encore et encore. Elle m’enveloppe et m’oppresse. Me comprime et me lacère. J’agrippe la corde qui, telle un filin de survie, me retient à la paroi et m’empêche de glisser vers l’abime sans fond.
J’ai peur aussi. Peur de l’inconnu. Peur des bruits sourds qui m’assaillent. Peur aussi de la créature étrange qui monte vers moi, repart puis revient. Elle semble aveugle et cavale sur cinq pattes déployées de façon anarchique autour de son corps hideux verdâtre. On dirait qu’elle possède une queue interminable aussi.
De la lumière. Elle apparaît par intermittence et me redonne espoir. Mais elle semble si loin, si inaccessible. Et comble de l’horreur, les bruits inquiétants proviennent de sa source et cette bête ignoble se tient maintenant entre elle et moi.
Ça y est. Elle est sur moi. Ses pattes (ou tentacules ?) m’enserrent le crâne. Le prédateur a saisit sa proie et ne compte plus la lâcher. Je tente de la repousser, en vain. Elle me tire vers sa tanière. La lumière grossit. La chaleur fait place au froid. Je frissonne. Je suis terrifié. Le bruit est assourdissant maintenant. L’air me manque. J’ai toujours mal. Mes poumons sont en feu.
Alors, enfin, je parviens à hurler.
Étonnant ce point de vue sur la naissance ! Je te reconnais bien là Chasseuse !
La poussette fait un écart.
Secouée de soubresauts, l’enfant qui y est attachée agrippe un vieil ours un peu plus fermement de ses petites mains potelées. Ses sourcils se froncent d’agacement et une moue boudeuse vient crisper son doux visage rond. Un gémissement s’échappe et la petite fille aux boucles brunes commence à se tordre d’agacement sur son siège instable.
Deux mains blanches jaillissent alors devant son nez rose et s’empressent de caresser ses joues rebondies : un murmure rassurant flotte autour de ses oreilles. Ce chuchotis apaisant vient d’une mère inquiète ; mais l’enfant est trop fatiguée pour comprendre et des larmes chaudes roulent à présent jusque dans son cou.
Les lèvres roses du poupon s’entrouvrent pour geindre.
Soudain, un éclair roux traverse le chemin bardé de cailloux.
Deux pupilles noires viennent l’accrocher du regard ; rondes comme des billes et plus sombres qu’un ciel orageux, elles sont bordées de larmes obsolètes qui perlent sur des cils interminables.
Soupir d’enfant saccadé d’un ancien chagrin.
Toute l’attention de la petite fille est adressée à cet écureuil agile qui glisse désormais entre les branches.
Maintenant les joues sont sèches et la colère éteinte.
Les deux mains blanches reviennent à l’assaut, mais cette fois pour déposer délicatement une paire de cerises noires au-dessus de chaque oreille.
Le printemps peut reprendre son cours. Les beaux jours sont revenus.
Béryl
Le passage d’une émotion à l’autre de façon si rapide me fait bien pensé à un enfant 🙂
Deux petits yeux d’un marron foncé pétillants scrutent ceux, plus clairs, mais tout aussi vifs, de celui qui leur fait face. Haut perché dans les bras du géant, le bébé hésite entre la crainte et l’amusement ; mais bien vite, il se met à rire aux éclats, il a l’impression de voler ! Et puis les bruits qu’émet son père, cet homme haut et fort, sont ci drôles…
Dans sa genouillère rose et son bonnet à oreilles de lapin, la petite fille monte et descend ; comme un avion ! C’est du moins ce que tente d’imiter l’espèce de vrombissement qui sort de la gorge de son père. Lui, torse nu, avance dans la pièce avec prudence, regardant sa fille comme la première merveille de tous les mondes. Ils poursuivent ainsi pendant quelque minutes, puis à force de porter la fillette à bout de bras, l’adulte fatigue et la repose sur ses épaules. L’enfant se met immédiatement à jouer dans les cheveux de son père, mais, loin de s’en offusquer, il rit. Ils sont dans une sorte de petit cocon chaleureux, et leurs rires s’élèvent comme autant de petites bulles.
Ensemble, ils descendent pour aller voir les dindons, prêt à continuer cette journée, aussi belle que la précédente.
Shizuka je trouve ton texte très beau et touchant. : )
J’adore la formule « la première merveille de tous les mondes ».
DES BOTTES NOIRES ET LUISANTES
Mai 1944. Les allemands sentaient la débâcle venir et les liaisons avec leurs QG étaient souvent perturbées par des résistants qui leur tiraient dessus de la forêt voisine.
Un matin, lors du passage d’une de leurs colonnes, des coups de feu jaillirent de ce qu’ils crurent être notre chez nous. La colonne s’arrêta et une dizaine d’hommes avec leurs mitraillettes s’avancèrent vers la maison près de laquelle un gamin de deux ans assis dans un tas de sable les regardait. Leurs bottes noires. Il n’en avait jamais vu de si luisantes. A quatre pattes, il alla toucher les plus proches, un homme debout immobile qui le regardait curieusement. Soudain, une femme blonde sortit en courant de la demeure. Les mitraillettes se tournèrent vers elle mais cela n’arrêta pas sa course vers l’enfant. Elle le prit dans ses bras qu’elle referma sur lui d’un air protecteur avant de dire aux soldats :
– « Qu’est- ce que vous voulez ?
– Des coups de feu sont partis de chez vous.
– Ce n’est pas possible. Nous n’avons pas d’arme. Et il n’y a ici que des enfants.
– Ces chaussures à l’entrée de la maison sont bien grandes pour un enfant.
« Michel ! » cria la femme.
Un adolescent de 14 ans apparut. Grand, maigre, dégingandé, il avança sans crainte d’un air curieux.
– Oui, que se passe t-il ?
Le capitaine lui demanda :
– Tu as entendu des coups de feu ?
– Oui, j’ai entendu.
– Tu sais d’où ils venaient ?
– Non.
– Tu as un fusil ?
– Non et je ne sais pas tirer.
Le capitaine regarda la femme, puis le bébé, sortit une photo d’un gamin du même âge, la lui montra :
– Il est beau, n’est-ce pas ?
Puis prenant l’enfant dans ses bras il lui caressa le menton et lui dit :
« Tu as bien de la chance. Tu ne connais pas la guerre. »
Il rendit l’enfant à sa mère et la colonne repartit.
Il s’agit plus d’une scène d’une histoire que d’un souvenir de bébé à proprement parlé, mais tu as su poser le contexte rapidement et pour ça, bravo !
Merci beaucoup 🙂
J’ai écris ce texte dans l’instant, désolée pour les quelques fautes, j’ai fais l’erreur de ne pas le relire >_<
Pourquoi ça apparaît là ? C’est un bug ?
Très beau moment !