Les auteurs ont souvent du mal à se projeter dans la mise en scène. Même quand ils ont un plan détaillé, voire un scène-à-scène très complet, ils évitent plus ou moins consciemment  cette étape en se précipitant dans leur narration, ou pire, dans le style, sans penser à la réalité de l’action.

A vrai dire, il ne s’agit pas seulement de « penser » ce qu’il va se passer, mais de le « concrétiser. » Il n’y a pas besoin de creuser profond pour imaginer l’action générale.

Mais c’est une autre histoire que de l’incarner.

La première chose à faire, évidemment : scruter l’action avec un « regard d’expérience. »

Vous racontez l’histoire d’un boulanger ? Il faudra mettre la main à la pâte, toutes les nuits.

Bon… Vous allez me dire que vous n’avez pas trop le temps ?

OK, les romanciers ne sont pas forcément docteur en médecine, astronaute, empailleur de dragon, psychopathe ET flûtiste (si vous l’êtes, merci de vous signaler uniquement par email, je ne reçois plus dans mon donjon, au cœur des Carpates normandes).

Nous sommes donc face à un dilemme, car un romancier DOIT pouvoir vivre ce genre de choses pour les raconter. Sinon, comment voudriez-vous le communiquer à vos lecteurs ? Ils sentiront que vous vous jouez d’eux, que vous ne savez pas de quoi vous parlez, que vous vous payez de mots, que vous agitez des concepts…

Heureusement, notre cerveau a une faculté superbe qui nous permet de ressentir ce qu’on ne ressent pas et jusqu’à l’irréel : l’imagination.

Attention ! Je ne parle pas de l’utiliser en doux rêveur.

Sinon vous retomberiez dans le travers que je viens de dénoncer, à ne pas vraiment vivre, expérimenter.

Il faut mobiliser toute sa puissance et la diriger précisément. Cela demande un effort de concentration et la direction de l’intelligence.

Car ce qui doit vous guider, c’est votre message, votre histoire.

Si le personnage marche dans la rue, je me coule dans la scène. Même si j’écris confortablement dans mon canapé, je me projette sous le soleil. Je ressens le poids de l’air étouffant, la poussière qui colle au cou et qui pique les narines…

Mais je ne m’arrête pas là.

Aussitôt, j’alimente ce ressenti avec l’état d’âme du personnage et sa propre façon de ressentir cette chaleur, pour ajuster ma future narration.

Car pour certains, elle ne paraîtra pas étouffante, mais sécurisante et bienfaitrice. Peut-être que mon personnage appréciera la brûlure sur ses épaules, comme si sa mère repassait sa chemise…

Si c’est un chaudronnier, qui travaille le métal en fusion tous les jours, aura-t-il la même perception ? Il en aura sans doute moins peur, il saura la « laisser glisser » sur son cuir et redoutera les courants d’air…

En vous posant de telles questions, vous pouvez modifier votre perception de la scène par analogie à votre propre expérience.

En effet, il vous est sans doute arrivé de vous sentir à l’aise quand d’autres avaient chaud ou froid. L’analogie permet de déplacer ce rapport, de changer d’échelle.

Tenez, un autre sujet d’analogie : les cultures

Quelle vision un Esquimau a-t-il de la vie ?

Et un Elfe marin ?

Pour éviter les images d’Épinal ou les stéréotypes, il faut se documenter suffisamment.

Quant aux êtres fantastiques, il est toujours possible de trouver des analogies avec des êtres existants.

Mais ce n’est pas l’objet de cette Lettre du Dimanche.

Une fois qu’on a bien réalisé, il est temps de la faire passer au lecteur.

Facile à dire ! Car tout n’est pas bon à raconter :seules quelques aspérités suffisent ! C’est là que le talent du romancier — et son travail surtout — montrent leur vertu.

Exercice du jour : un petit caprice !

Entraînez-vous avec le Ma Plume Ma Muse du jour, en mettant en scène un enfant.

Cliquez ici : http://www.ecrire-un-roman.com/articles/ma-plume-ma-muse-il-ny-a-pas-dage-pour-faire-des-caprices/

Au boulot !

Eric

PS. Certains ne reçoivent pas correctement la Lettre du Dimanche. Je suis en train de changer de système et il faudra que vous vous réinscriviez. Mais je vous en reparlerai très bientôt.

 

 

 

 

 

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