Vous n’avez sûrement pas envie que les descriptions de votre roman ressemblent à de longs articles Wikipédia ? Voici une technique pour améliorer la façon dont vous exposez votre histoire grâce à ce que font vos personnages.
L’exposition, c’est la façon dont vous montrez les choses à votre lecteur, la manière dont vous posez le contexte. Je n’ai rien contre Wikipédia, je trouve même ce site très utile pour y faire des recherches documentaires et nourrir mon imagination. Mais pas dans les romans ! Quand je lis un roman (et c’est encore plus vrai pour les nouvelles), je n’aime pas avoir l’impression de lire un article histoire, économie ou géographie de Wikipédia…
C’est en lisant « Comment écrire de la fantasy et de la science-fiction » d’Orson Scott Card (découvrez ma chronique) que j’ai appris à mieux exposer mes histoires. Je vais donc partager avec vous cette technique en illustrant mon propos par des exemples qui prennent place dans un monde futuriste.
Ce que je faisais avant et qu’il vaut mieux éviter
Avant de lire la méthode d’écriture de Card, j’avais tendance à expliquer l’organisation et la genèse de mon monde imaginaire de plusieurs manières malhabiles :
* par les longs discours d’un narrateur omniscient qui commentait tout,
* par les pensées interminables d’un narrateur première personne,
* par des dialogues alambiqués.
Voyez plutôt cette description d’une région imaginaire :
« Djaparome, la capitale qui comptait près d’un million d’habitants, était située entre le fleuve Boroni au nord et les montagnes Rocheuses au sud. À l’est, sur les terres fertiles, les paysans cultivaient des céréales, des fruits et élevaient des imapalles. La laine de cet animal, tondu une fois par an, servait à fabriquer leurs vêtements. La région était prospère grâce à l’industrie textile implantée là depuis l’arrivée des colons sur cette planète, 350 ans plus tôt. »
Pour les pensées, nous ne commentons pas intérieurement les éléments habituels de notre environnement. Les personnages d’un monde imaginaire non plus (je pense par exemple aux technologies futuristes des histoires de SF). Quand nous téléphonons avec un portable, nous ne nous disons jamais :
« Je tape le numéro de mon ami sur le clavier de mon téléphone portable. J’appuie sur la touche d’appel et attends que le satellite géostationnaire trouve mon correspondant. »
De la même façon, il faut bannir des dialogues les explications de ce qui est évident pour les protagonistes. Nous ne dirions jamais :
« Mon amour, regarde sur l’écran tactile de ma tablette les photos de ton anniversaire que j’ai prises avec mon appareil numérique.
— Ah, ça y est, tu as fini de les décharger sur ton ordi avant de les mettre sur ce support qui marche sur batterie. »
Bon, j’exagère un peu, mais j’ai déjà lu des choses comme ça. Et j’en ai écrit aussi. Ça donne des passages ennuyeux à lire et pas très naturels. Le lecteur risque de s’apercevoir qu’on cherche à lui glisser des infos. C’est comme s’il voyait bouger les lèvres du ventriloque. Résultat : il ne croit plus au rôle que joue la marionnette et prend le ventriloque pour un charlatan…
En réalité, avant, je voulais trop aider mon lecteur, car j’avais peur qu’il ne comprenne pas bien mon récit… Or on peut lui faire confiance pour déduire certaines informations tout seul. De plus, on n’est pas obligé de tout justifier, c’est nous qui sommes le maître du jeu. On peut décréter que les choses sont ainsi parce qu’on l’a décidé !
Voyons maintenant comment poser le cadre d’une histoire sans recourir à ces procédés.
La technique pour exposer efficacement votre histoire
Il est préférable que l’exposition soit menée en présentant le contexte de façon plus ou moins implicite. Cela garantira la vraisemblance de la narration, des pensées et des réactions des personnages. C’est là que réside la difficulté de l’exercice : donner un maximum d’infos au lecteur grâce au comportement naturel de personnages qui connaissent déjà l’univers où ils vivent. Mais l’histoire gagnera en dynamisme.
Alors pour ça, O. S. Card conseille par exemple de donner beaucoup de renseignements au lecteur à travers les actions des personnages. Mais attention ! Il faut que le personnage fasse cela pour une raison qui sert le scénario. On profitera de ce qu’il fait, de ce qu’il voit et des dialogues avec ceux qu’il rencontre pour poser le contexte.
« Jack conduisait son glisseur sur la route qui traversait les grands champs de céréales. Les épis bientôt mûrs se balançaient doucement dans le vent. Au loin, les gratte-ciels de Djaparome se profilaient dans le soleil couchant. Arrivé à un carrefour, il emprunta la route qui suivait les méandres du fleuve Boroni. Il ne tarda pas à déceler dans l’air humide l’odeur des produits utilisés pour traiter la laine des imapalles.
Jack aperçut enfin sa destination, posée au bord du Boroni : l’usine de DjapaTextile où la laine des herbivores était mise en bobines grosses comme un glisseur. Il tâta machinalement sa poche pour vérifier qu’il avait bien pris son enregistreur, il avait quelques questions à poser au patron… »
Vous remarquerez que je n’ai pas précisé le nombre d’habitants de Djaparome ni le fait que c’était la capitale, mais la simple mention des gratte-ciels suffit à s’en douter.
Je n’ai pas non plus détaillé ce qu’était un glisseur ni un enregistreur. D’après le contexte futuriste et l’utilisation qu’en fait Jack, le lecteur imagine tout seul à quoi peuvent ressembler ces appareils et comment ils fonctionnent. De plus, il y aura le temps de mieux les décrire plus tard dans le récit. Tout comme pourront être rajoutées des infos sur la tonte annuelle, l’ancienneté de l’usine, etc. Chaque détail supplémentaire sera l’occasion d’enrichir le texte par des anecdotes et du contexte.
J’espère que cet article vous a donné des idées pour améliorer l’exposition de vos histoires.
Article écrit par Jérémie
Merci beaucoup pour cet article. C’est très difficile, de gérer les infos qu’on doit donner au lecteur. Il faut qu’on sache le monde, les personnages et l’intrigue AVANT de les écrire. Sans cet étape, on risque trop d’exposition.
C’est ironique, car il y a une heure à peine, je décrivais le système politique d’un pays imaginaire d’une de mes histoire et je trouvais ça lourd et académique, cet article a confirmé mes doutes… J’ai une trop forte tendance à vouloir tout expliquer dans mes récits, je suis du genre à ajouter toujours plus de précisions, mais j’essaie de me soigner.
Merci beaucoup pour cet éclairage.
Bonjour à tous,
J’adore la mise en page de ce blog ! C’est clair et aéré, bravo !
@Milkachoco : Tout à fait d’accord avec toi. Il me semble que si ce que l’on raconte et cohérent et évident pour nous-même, alors cela fera sens pour le lecteur. Et il ne sera pas nécessaire d’en rajouter. Le problème vient sans doute du fait que l’on n’est parfois pas très sur de soi, alors on veut en rajouter dans les détails, etc pour être bien certain d’être compris. D’où l’intérêt du travail en amont de l’écriture elle-même : documentation, background, etc…
merci tout simplement Jérémie! je crois que c’est une erreur de tous les débutants; toujours vouloir faire tout comprendre au lecteur en tout lui expliquant. Mais avec la critique, de cette note je conviens qu’il vaut mieux le laisser deviner le cours des évènements et les sous-entendus de chaque passage.
Je suis justement en train d’écrire mon deuxième roman. J’ai donc lu ces conseils avec beaucoup d’attention.
Merci !
Bien vu !
Je pense aussi qu’être aussi spécifique que dans vos exemples (qui m’ont bien fait rire au passage) peut être très efficace dans un texte de vente, mais peut complètement dérouter le lecteur dans un récit.
Je trouve vos points de vues et la façon dont vous partagez votre expérience vraiment intéressants.
Bonjour à vous et merci pour vos commentaires !
@ Lilou : dans les récits imaginaires, le choix des mots inventés est important pour aider implicitement le lecteur à comprendre les choses. Je pense aux Guerriers du silence de Pierre Bordage (science-fiction) où les personnages voyagent d’une planète à l’autre via des sortes de cabines appelées « dérémats ». Pas besoin pour l’auteur d’en faire une tonne sur cette technologie pour qu’on comprenne « dématérialisation » et « rematérialisation ».
@ Pucca : effectivement, plus on pratique et plus on prend des habitudes d’écriture. Je viens de lire un super bouquin, Le Secret de Ji de Pierre Grimbert (fantasy) et je me suis vraiment demandé pourquoi il m’accrochait autant. Ca tient au style d’écriture, à la façon de présenter les évènements… et à des personnages drôles et vivants. Du coup, j’essaie de m’inspirer un peu de ses techniques pour exposer mes scènes. Le Wikipédia bat en retraite peu à peu 😉
@ Caroline : effectivement, ce procédé est souvent utilisé dans les films humoristiques, ça permet de faire passer pas mal d’infos au spectateur et de créer des situations comiques.
A bientôt,
Jérémie
C’est cool je viens de lire cet article et je me rends compte qu’il m’est arrivé de faire cette « erreur wikipedia » lol, j’adore l’image employée c’est tout à fait ça (mon histoire se déroule dans un monde un peu imaginaire mais avec beaucoups de termes qui rendent évidents les objets ou autres éléments, un peu comme le « glisseur », à mon avis c’est une bonne règle à respecter pour ne pas assomer le lecteur = utiliser des terme ssimples et évidents même si on parle de trucs extra-ordinaires).
Seulement j’ai plus tendance à écrire maintenant comme dans votre dernier exemple (très bon), en décrivant naturellement les éléments de l’histoire. Je crois qu’on y arrive bien quand on a réussi à s’approprier bien son propre univers en fait, et que tout nous parait logique à nous-même. Aussi quand on a gagné une certains forme de confiance en soi dans l’écriture et de clareté qui fait qu’on a pas peur d’embrouiller le lecteur (car on conçoit bien l’univers et l’histoire, on la raconte plsu clairement).
Mais mon premier vrai jet (il y a 4 ans environ) était vraiment du wikipedia ! ^^
Une autre façon de faire, que je trouve intéressante : intégrer un personnage « nouveau venu » à qui on explique les choses. Un stagiaire un peu nul, un touriste perdu ou un cousin gaffeur en visite (qui pose des questions idiotes) permettent de faire passer « naturellement » pas mal d’infos.
comme tout métier, la finesse de l »écriture s’améliore avec l’expérience mais aussi et surtout en lisant beaucoup. Et comme tu le précises, moi aussi il m’arrive d’écrire comme du Wikipédia. ^^
Il est vrai que ce n’est pas toujours facile d’équilibrer les choses. Personnellement je suis assez d’accord, le lecteur s’imagine les choses assez bien sans qu’on soit obligé de tout décrire dans les moindres détails…ceci a, au contraire ( pour ma part en tout cas ) tendance à brider mon imagination.
Et certaines choses sont implicites mais simple à comprendre, et du coup, trop en rajouter alourdi le récit 🙂
PS : j’adore la photo de l’article… Grande fan d’ Harry Potter 😉
Merci pour cet article. Actuellement je n’écris pas d’histoire dans un monde imaginaires, mais je trouve tes conseils très utiles.