Bonjour à tous,

Dans les précédents hors-séries, je vous ai déjà parlé de réécriture (pour les mythes et les nouvelles) et une récente opportunité vient ajouter le conte à mon arc.

Alors non, je ne vais pas m’étendre sur Once Upon a Time, une série qui a certainement autant d’adeptes que de détracteurs. Pour réaliser ce nouveau HS, je me suis directement inspirée de Ronces Blanches et Roses Rouges. Ce roman de Leatitia Arnould a l’avantage de compiler toutes les ficelles pour réussir cet exercice.

Orphelines d’un passé dont elles n’ont aucun souvenir, Sirona et Eloane, sont aussi différentes qu’inséparables. Quand leur tutrice, Iphigénie Whitecombe, fiance l’aînée à un inconnu, leur avenir sombre dans l’incertitude.

Pour échapper à cette union qui l’effraie et à la colère dévastatrice de Mme Whitecombe, Sirona prend la fuite. Au cœur d’une forêt obscure et de sa propre tourmente, elle se fait la promesse de venir rechercher sa sœur.

Quitte à affronter l’ours qui rôde dans son sillage.

Quitte à suivre les ronces blanches et les roses rouges.

Quitte à croire en la magie.

Mais c’est sans compter sur l’énigmatique pianiste qui compose une toile de mélodies enivrantes dans un château où la nuit est synonyme de toujours.

Ce récit se base sur l’œuvre de Grimm Neige-Blanche et Rose-Rouge, dont la lecture n’est pas indispensable pour apprécier le roman. Cependant, elle le devient lorsqu’il s’agit de décoder les ficelles de sa composition.

L’art de la transformation

« Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme »

Lavoisier

Comme l’indique cette célèbre maxime, valable dans de nombreux domaines, la réécriture est une transformation d’un récit en un autre. Ainsi, quelle que soit l’œuvre de départ (mythe, roman, nouvelle, chanson…) elle doit conserver une part de fidélité.

Pour cela, c’est à l’auteur que revient la sélection des éléments qui constitueront son œuvre. Pour vous guider, si vous rencontrez ce dilemme, voici une liste qui vous aidera :

  • Ceux qui sont importants. Il peut s’agir de personnages comme de lieux ou événements.

Dans ce cas précis, on retrouve les deux sœurs, l’ours, le pianiste, la forêt, la chaumière, la neige, la magie.

  • Ceux qui donnent du sens. Là, on parlera plus des thèmes et symboles récurrents.

Ici, nous placerons la crainte de l’ours, l’éducation et les apparences trompeuses.

« La vérité aime se jouer de nous. Elle se cache au fond d’un puits, au détour d’un chemin, dans un grenier ou dans un regard. Elle n’est jamais là où on l’attend, mais elle peut être partout où on ne l’attend pas… »

Le respect du conte

Après avoir identifié ces éléments, à vous de les mettre en scène ! Leatitia Arnould a choisi une méthode simple, mais efficace. Tout y est, des personnages à l’intrigue en passant par le recours au merveilleux (on parle d’un conte quand même). Elle n’épargne pas non plus la morale, mais au lieu de la placer à la fin, elle la distille tout au long du roman.

Le résultat est tout simplement bluffant, j’ai vraiment eu l’impression de lire un conte, mais au format roman. Ainsi, l’ensemble est nettement plus travaillé que le conte de départ.

La transposition

Le problème du conte réside dans son aspect vieillot. Écrit pour animer les longues soirées d’hiver entre adultes, il se trouve, à présent, relégué dans les bibliothèques pour enfants (au prix de petits arrangements).

Et pour cause, leurs thèmes sont universels !

Pour réaliser ce petit lifting, plusieurs options s’offrent à vous :

  • La modernisation (de loin le plus logique) ;

  • Le changement de genre (pourquoi pas Rumpelstiltskin à la mode SF ?) ;

  • Modifier le type de récit (en poème, roman, série, chanson…)

  • Bouleverser l’intrigue (Alice au pays des Merveilles version vengeance, ça vous dirait ?) ;

  • Adopter une nouvelle structure (pour casser leur linéarité naturelle).

Notez, au passage, que si ces transformations impactent en premier lieu la forme, elles vont s’enraciner au cœur de la narration.

Ici, grâce à la modernisation, l’auteur a pu reclasser son roman dans la catégorie « fantastique » avec, cerise sur le gâteau, une structure enchâssée qui lui permet de jouer sur deux tableaux.

La différenciation

Réécrire, c’est bien, mais vous ne devez pas donner – à vos lecteurs – l’impression de relire la même chose éternellement. Autrement, ils se lasseront et ne prendront pas la peine d’aller au bout de l’histoire.

Là encore, l’auteure l’a bien compris et utilise plusieurs leviers pour vous dépayser :

  • Par l’ajout ou la modification de personnages, scènes et j’en passe… qui viennent également augmenter la menace.

  • La création de leitmotivs et d’images comme ces mystérieuses ronces et roses qui semblent animées par un étrange pouvoir. Les nombreuses tentatives de Sirona pour se convaincre que la magie n’existe pas. Ou encore le fameux adage « les yeux sont le miroir de l’âme ».

« Les yeux sont le miroir de l’âme. On le disait jadis, on le dit aujourd’hui, et on le dira encore demain. Ces quelques mots peuvent sembler n’être rien de plus qu’une banalité, un vieux dicton auquel on ne prête que peu d’attention. Pourtant, ils ont un sens certain, et trop nombreux sont ceux qui l’oublient.

Car les yeux ne peuvent pas mentir… »

  • J’en ai parlé plus tôt, l’enchâssement à trois étages.

Maintenant que vous savez tout, à vous de jouer !

Retrouvez ce livre aux éditions Magic Mirror, un nouveau venu spécialisé dans la réécriture de contes. Un grand merci à eux pour ce nouveau partenariat.

Si ce type d’exercice vous tente, n’hésitez pas à vous frotter à leurs appels à textes.

PS : j’allais oublier, pas besoin de remuer ciel et terre à la recherche de l’œuvre originale, Magic Mirror y a pensé pour vous. Que demander de plus ?