— Coucou, tout le monde, et félicitation à Sarah, notre heureuse gagnante !
— Oui, bravo à elle ! Sans oublier tous les autres participants ! Les votes étaient serrés.
— Cela a vraiment été un plaisir de faire ce petit concours pour vous, n’est-ce pas, Gaëlle ?
— Grave !
— Eh bien, surveille ton langage !
— Oh, ça va, ce n’est pas grossier !
— Non, mais ça n’est pas très joli !
— Pardonnez-moi, ma chère ; je ne voulais point vous faire hérisser le poil avec mon parler abrupt !
— N’en fais pas trop quand même !
— Jamais…
— Mais tu fais bien de parler de poils !
— Ah bon ? Pourquoi ça ? On va parler d’épilation ?
— Toujours le mot pour rire, toi, alors. Pas du tout, mais de frisson, oui !
— De quel frisson parles-tu ? Celui qui fait froid dans le dos ou celui qui fait froid tout court !
— En plein hiver… Je te laisse deviner !
— Ah, très bien, encore un exercice de saison !
— En effet, chers scribouillards, chères scribouillardes, nous vous proposons dans cet exercice de nous décrire un frisson, celui qui nous transit de froid !
— À vos plumes, à vos muses, frissonnez !
— Surtout, n’oubliez pas nos conseils sur l’utilisation des cinq sens dans une description !
— Ah ! Magali, ça fait du bien de reprendre nos bonnes habitudes !
— À qui le dis-tu ! C’est vrai que nous nous devions de parler de ces tristes événements, mais nos petits échanges ironiques…
— Oui, c’est notre signature, ces petites joutes verbales !
— J’espère que nos amis les apprécient autant que nous.
Bonsoir tout le monde !
» Souvenirs de vacances d’hiver en haute Savoie dans les années 60 ! »
C’était épouvantable ce froid, ce froid glacial qui nous tombait dessus ! Le télésiège à l’arrêt depuis des heures sans doute,
suspendus sur ce télésiège immobile, à 30 mètres du sol recouvert de neige . Depuis longtemps déjà le soleil était descendu ,derrière la montagne, un petit vent glacé nous arrivait sans cesse et nos corps grelottants blottis l’un contre l’autre essayant
de se réchauffer, mon épouse pleurait de souffrance et de peur ! Je fini par flancher en l’accompagnant dans la détresse ! Le
piège s’était refermé, impossible de s’en sortir, nous étions entre les mains des responsables du télésiège ! ( les téléphones
portables n’existaient pas encore ) Nous étions tout les deux suspendus au milieu de ce terrifiant écrin enneigé superbe, beauté
apportant joie et plaisir de la vie pour les skieurs qui descendent, la piste ensoleillée dans la journée ! Peut-être la mort pour nous cette nuit ? J’essaye de la réchauffer avec mon corps de plus en plus glacé, en la serrant contre moi !
Il faisait chaud quand nous sommes partis à 13 heures,le soleil au zénith et nous en petites chemises,nous devions redescendre
avant 15 heures ! Il était presque 109h 30 il faisait nuit ! Glacé,grelottant on pensait à la mort !!!
Soudain un choc, le télésiège redémarre brusquement ! Et je me réveille en sursaut !!!
– Merde, j’ai froid… je ne sens plus mes doigts…
Emballé dans des couvertures de survie, Jorge venait de lacher ces mots dans un panache givré. Il frappait ses mains gantées l’une contre l’autre, remplissant la tente du bruit métallique des couvertures froissées. Mika, de son côté, préparait le petit réchaud pour faire chauffer de l’eau. De l’autre côté des parois de la tente, le vent hurlait et donnait des coups de boutoir sur la toile. Les hommes étaient là, presque à sa merci, il pouvait les sentir, mais ne pouvait les atteindre.
Mika sortit un sachet de nourriture lyophilisée, s’apprêta à l’ouvrir, puis reporta son attention vers le contenu du sac-à-dos. Il renifla, l’air emmerdé.
– Va falloir qu’on se rationne. T’as retiré tes gants ?
– J’ai un peu la trouille de ce que je vais trouver…
– Il faudra bien à un moment où à un autre, non ?
– Tu peux m’aider ? Je sens plus rien…
A quatre pattes, Mika se porta à hauteur de son équipier. Ce dernier lui tendit ses mains. Il ne pouvait empêcher ses bras de trembler. Mika s’assit sur ses talons et – précautionneusement – tira un par un sur les doigts que Jorge lui présentait. Il découvrit une main, puis l’autre et fit une moue ennuyée.
– Faudra amputer.
– TU DECONNES ?
– Bien sûr que je déconne… Mais t’es pas passé loin. T’as vu leur couleur ?
Jorge soupira. Il eut un frisson.
– T’as eu les autres à la radio ? dit-il en claquant des dents
– Non, et j’ai une autre mauvaise nouvelle de ce côté là…
– Vas-y, on n’est plus à ça près…
– C’est pas nous qui avons les batteries de rechange.
Mika se tourna vers le réchaud où l’eau commençait à frémir et ouvrit le sachet du repas. Jorge tentait de plier ses doigts, qui répondaient à peine. Il grimaça.
– Et on a quoi dans nos sacs si on n’a pas la bouffe et les piles ?
– Ca, c’est la bonne nouvelle. On a tout le kit médical et plein de couvertures de survie.
– Mais c’est quoi cette organisation de merde ? Qui c’est qu’a supervisé le rangement des sacs ?
– Ecoute, c’est pas le moment de s’énerver. Faut faire avec ce qu’on a. Point barre.
Jorge commença à geindre.
– Ouaaah… la vache… j’ai la sensibilité qui revient dans les doigts… ça fait un mal de chien…
– Tu te réchauffes ?
– Non, j’arrive pas… je… j’ai froid de… Mik…
Alerté, Mika tourna la tête. Jorge venait de s’affaler sur son tapis de mousse, les yeux dans le vague. Il se porta à sa hauteur aussi vite qu’il le put dans cet espace restreint.
– Bordel… merde… Jorge ? Tu m’entends ?
Inconscient, Jorge tremblait, beaucoup. Ses lèvres étaient grises. Mika attrapa plusieurs couvertures de survie dans le sac. Il arracha les sachets plastiques de protection et calfeutra encore un peu plus son équipier qui poussait un son inarticulé, comme un mot sans vie. Mika comprit qu’il valait mieux l’installer sur le côté et entreprit la manoeuvre, compliquée par l’exiguïté de la tente.
Après un long moment, la situation se stabilisa et le calme revint dans la tente. Dehors, le vent était un peu tombé, mais ce n’était qu’un court répit. Dans la nuit polaire, le froid était omniprésent, au point que la condensation n’avait même pas le temps de s’écouler sur les parois de la tente, et se figeait sur place en une fine croûte gelée. Mika tenta d’évaluer les chances qu’ils avaient de s’en tirer. L’énumération des points positifs lui parut ridiculement courte.
Mathématiquement, ils étaient foutus : ils n’avaient qu’une quantité limitée d’énergie disponible, et le vent tout autour l’avalait goulûment. La durée de leur survie dépendrait étroitement de leur capacité à maintenir cette énergie dans la tente. Après…
Il jeta un coup d’oeil à Jorge. Celui-ci semblait dormir.
Mika frissona. Alors il prit dans le sac une couverture de survie de plus et s’emmitoufla dedans.
Oups ! pardon ! Je m’aperçois après coup que je suis un peu hors sujet… j’étais restée sur « Le froid qui fait frissonner » et dans ma lancée, j’ai oublié le frisson lui-même…
Je tâcherai d’être plus attentive la prochaine fois…
Cela t’as inspirée en tout cas, tu peux encore nous parler de ce que ressent Jorge 🙂
Le froid.
Avoir froid, c’est un peu flirter avec la mort.
C’est tout d’abord ce silence, assourdissant autour de vous
et le seul bruit des flocons et des amas de neiges qui tombent lourdement des arbres.
C’est être seul, insignifiant, au milieu de ces sapins glacés couvert de neige.
C’est entendre le vent s’engouffrer entre ces arbres, rapide,
pour vous prendre au visage, brutalement.
C’est d’abord sentir le sang quitter vos oreilles
et les croire alors fragiles comme du cristal.
C’est inspirer cet air sec, comme chargé de pics de glace,
le sentir entrer en vous et anesthésier votre bouche, puis jusqu’à vos poumons.
C’est sentir vos mains, vos pieds s’engourdir,
sentir vos vêtements froid se resserrer, se coller à votre peau puis comme disparaître.
Puis c’est ce frisson, qui vous parcourt de haut en bas,
un picotement chaud, puissant, qui efface fugacement les effets du froid.
Votre corps ondule tel une vague sous son effet.
Ce frisson, au delà d’être la preuve de votre combat contre les éléments,
est comme un au revoir, un dernier aperçu de votre corps de l’impression de vos membres chauds,
bien plus effrayant qu’un frisson d’horreur,
mais pourtant bien moins impressionnant qu’un frisson d’amour.
Très beau texte Joel, tu m’as transporté dans le froid, j’en ai la chair de poule !