— Bonjour !
— Bonjour, madame, vous avez réservé ?
— Oui, je viens rejoindre mon amie Magali.
— Ah oui ! Elle vous attend, venez avec moi !
L’homme s’approche d’elle, lui prend le bras et l’entraîne derrière un rideau. La pénombre les recouvre et Gaëlle se demande ce que lui a réservé sa scribouillarde préférée. Dans l’obscurité, le serveur la guide. Il passe une porte, puis déambule à travers une pièce complètement noire. Gaëlle n’est pas rassurée du tout.
L’homme s’immobilise et annonce, en la poussant doucement en avant :
— Madame, votre amie nous a rejoints !
— Parfait, merci, monsieur. Bienvenue, Gaëlle !
— Euh… salut, mais que fait-on ici ?
Gaëlle attrape le rebord de… d’une chaise, apparemment, et tente maladroitement de s’asseoir. Elle loupe l’assise et lâche un juron.
— Eh bien, j’avais une superbe idée de jeu et j’ai voulu nous mettre dans le contexte…
— Le contexte de la nuit ?
— Non, celui du monde des aveugles ! Nous allons déjeuner ensemble pour parler de notre projet secret pour les 3 ans de Ma Plume, Ma Muse – mais chut, nous n’en dirons pas plus pour le moment – dans cette pièce entièrement noire afin de décupler nos autres sens que celui de la vue, pour apprendre à mieux décrire…
— Très bonne idée, mais on risque surtout de faire des dégâts, non ?
— C’est vrai que toi, avec ta maladresse, sans doute… Mais on devrait s’en sortir !
— Haha, bon OK, on commande alors ?
— Oui, scribouillards, scribouillardes, nous vous commandons une description d’un paysage ou d’un objet à travers les sens d’un aveugle !
— On devinera de quoi il s’agit et, après cette épreuve du feu, ça sera « easy » pour nous !
— Ne parle pas trop vite, Gaëlle !
— Oh, ça va. J’ai trouvé mon verre toute seule !
— Tu es sûre ?
Gaëlle avale une gorgée.
— Ah, non, brrr. Ce n’est pas ma boisson, ça…
— Décris-moi donc ce que tu viens de boire !
J’aime me promener dans un morceau de forêt par temps pluvieux. L’odeur de la pluie m’appelle à chaque fois de la même manière que ce fumet à travers la porte du voisin qui nous oblige à tourner la tête en pensant « Mmmh…miam j’aimerais y goûter » (si tant est que votre voisin aime la cuisine…). Alors, quand je la sens par ma fenêtre ouverte, je me précipite sur ma veste imperméable toujours postée sur ma porte d’entrée à côté de ma canne, j’appelle Ralph, et on y va !
Je n’ai jamais considéré cela comme un exploit, mais on dirait que le ciel lui-même est impressionné de notre sortie : à peine le premier pied et la première patte dehors, nous sommes accueillis, tantôt par de discrets « clap » dispersés ça et là, tantôt par un tonnerre d’applaudissements qui dure, encore et encore… alors je pense en souriant « Merci ! Merci ! Mais ce n’est rien vous savez ? ». En passant la lisière de la forêt, les arbres commencent à me faire la conversation. Ils ne sont pas très bien élevés : tous me déversent un flot de messes basses en même temps sans même s’écouter ! Du coup, je ne comprends jamais rien à ce charabia… moi qui pensais que l’âge apportait la sagesse ! Mais tant pis, je les laisse papoter, cela me distrait et je suis sûr qu’ils ont plein de choses à se raconter. Sûrement même plus que ce couple qui s’approche de moi car, une seconde, ils ont cessé de se raconter leurs projets d’avenir. Ont-ils déjà épuisé leur imagination ? Non, les voilà qui reprennent leur conversation. Je comprends qu’ils aient été surpris, Ralph est un chien impressionnant…
Un extrait du tout 1er roman que ‘ai écrit… jamais publié ! Souvenir…
Seule sur un banc, elle dévorait du bout des doigts un livre en braille. Elle aimait le silence et la sérénité du lieu, et se plonger dans un bouquin lui permettait de s’évader un peu. Tout du moins, cela lui évitait-il de penser.
Tandis que sa main droite suivait les petites bosses sur les pages, son visage était tourné vers le soleil afin d’en mieux sentir la caresse. Elle se sentait bien, sereine et relaxée.
Soudain, ses doigts s’arrêtèrent et restèrent en suspens. Elle leva le nez et tendit l’oreille, inclinant sa tête sur sa gauche.
― Puis-je vous demander ce que vous regardez, cher monsieur ? Je peux vous aider ?
― Aïe ! Je suis surpris en flagrant délit, et je vous prie de bien vouloir m’en excuser ! Comment m’avez vous remarqué ? Je suis hors champ, à plusieurs mètres derrière vous !
― Disons que j’ai une ouïe particulièrement fine, j’ai entendu le bruissement de votre manteau ainsi que votre respiration.
― Et comment saviez-vous que j’étais un homme ?
― A part pour étudier sa teneur vestimentaire, une femme en observe rarement une autre… et votre parfum musqué vous a trahit ! répondit-elle d’une voix taquine.
― Me permettez-vous de m’asseoir près de vous ?
― Euh… oui… bien sûr… c’est un lieu public ici, et ce banc ne m’appartient pas !
― Merci… Je vous promets de ne point vous déranger…
― Pardonnez-moi, ma réponse était quelque peu abrupte… Je n’ai pas l’habitude d’avoir de la compagnie.
― Non, vous avez raison, on ne sait jamais à qui on a affaire… C’est un endroit étrange pour une lecture, non ?
― Pourquoi ? Je ne trouve pas… C’est le parc le plus silencieux que je connaisse dans le quartier !
― Silencieux, c’est le mot ! rit-il. Les résidents de ce cimetière ne vous perturberont certes pas.
― Vous savez, je considère que le Père Lachaise est autant un parc qu’un cimetière : on y ressent une vraie sérénité, un apaisement profond… C’est très zen ! Autrefois je fréquentais plutôt les Buttes-Chaumont, mais il y a trop d’enfants qui jouent bruyamment, des bandes de jeunes qui cherchent à se confronter, bref ce n’est plus mon petit havre de paix !
― Je réalise que je ne suis qu’un butor, je manque à tous mes devoirs, je ne me suis même pas présenté à vous ! Lucian Kasztellan, pour vous servir…
― Oh… Eva. Eva Zuccarelli.
Il lui prit fermement la main, la fit pivoter dos vers le haut et l’effleura, à peine, de ses lèvres. Eva trouva qu’il avait la peau froide, mais en automne, quoi de plus normal. Et quelles manières désuètes ! Par contre, il avait une poignée de main virile ! Elle se frotta les phalanges…
― Votre nom est de quelle origine ?
― Hongroise. Le vôtre sonne italien, n’est-ce pas ?
Lucian remarqua alors les pages vierges de toute écriture et passa rapidement ses doigts devant le visage de la jeune femme.
― Oui, je suis aveugle.
― Je suis désolé, ce n’étais pas très élégant de ma part. Comment avez-vous…
― J’ai senti l’air déplacé par votre main, et elle a caché un instant le soleil, c’était plus frais sur ma peau. Comme beaucoup de non-voyants, mes autres sens se sont… renforcés.
― J’ai pensé que les lunettes étaient là pour l’ensoleillement, je ne m’étais pas douté…
― Et cela vous dérange ? Vous abordez une jeune femme, et là, pas de chance…
― Non, non ! Loin de moi l’idée de considérer cela comme un frein à une rencontre, par ailleurs des plus agréable.
― Merci, je le prends comme un compliment.
― Il faut le prendre comme tel. Lorsque je vous observais de loin, je ne voyais qu’une belle jeune femme absorbée dans ses pensées, je ne me serais pas un instant imaginé que vous seriez aveugle : vous le cachez si bien.
― Je ne cherche pas à le cacher, mais je n’ai peut-être pas les tics de certains, du coup cela passe assez inaperçu.
Joli ! J’ai bien aimé. Surtout en apprenant qu’elle était dans un cimetière. J’y susi parti un jour et puis bon, c’est pas le meilleur parc, mais c’est pas du totu sinistre, du moins un midi d’été.
Moi, je me demande plus ce que l’homme fait là. Ca, c’est suspect.
J’aurais beaucoup aimé en lire plus.. Cet extrait était très beau.
— Toi qui es voyant de naissance, comment me décrirais-tu ces couleurs que je n’ai jamais vues ?
Léo resta sans voix. Comment expliquer quelque chose qui ne s’expliquait pas ? Le jaune, c’est… le jaune, et il est jaune parce que… parce qu’on lui a appris que c’était là son nom !
Il regarda son amie et sourit. Elle aimait lui poser des colles, le forcer à repousser les limites de son champ de vision pour lui expliquer sa vision du monde.
— Je vais essayer par le plus facile : le rouge. Le rouge, c’est la couleur du danger. Comme quand tu te brûles. C’est le chaud de l’émotion qui t’envahit quand tu es gêné, en colère, après un effort physique ou lorsque tu es malade et que tu as de la fièvre.
Je crois que je décrirais le rouge comme un signal, une alarme qui te dis que si tu vas plus loin, tu risques de t’en mordre les doigts. Et, en même temps, si tu t’arrêtes aux portes de ce danger, tu ressens de l’excitation… le plaisir… le frisson du danger. L’équilibre entre le bien et le mal…
Léo s’arrêta, le souffle court, enivré par toutes ces émotions qu’avaient fait naître la simple description de la couleur rouge. Il prit la main de son amie et, tendrement, la posa sur sa poitrine où son cœur battait à tout rompre. Il y avait encore tant de choses à dire sur le rouge…
—le rouge, c’est ça, c’est mon cœur que tu sens battre sous ta main, le bonheur que tu m’as donné par ces simples mots : » décris-moi les couleurs ». Mais tu sais, de nous deux, je me demande qui a la meilleure vue ?
Elle sourit devant la chaleur de ses mots. D’une main douce et légère, elle lui effleura le visage et murmura d’une voix tendre :
— Bienvenue dans mon monde.
Je m’installe confortablement dans mon canapé. J’ai enfin reçu le paquet que j’attendais depuis des semaines. Fébrilement je déchire le papier kraft qui l’entoure. Ce bruit à mes oreilles me remplit soudain de joie, mes doigts se hâtent d’ouvrir la boite. Je n’y arrive pas du premier coup, je dois chercher l’ouverture et arriver à l’agrandir afin de libérer son contenu. Ma précipitation manque de me faire tomber des mains mon précieux présent. Je me calme, je reprends ma respiration, je visualise dans ma tête les gestes que je dois accomplir pour y arriver, et méthodiquement j’y parviens enfin!
Quand la voix inconnue, claire et chaude commença à lire « je suis née à 4 heures du matin, le 9 janvier …. », Mémoires d’une Jeune Fille rangée, des larmes d’émotions coulèrent sur mon visage, tant j’avais attendu ce moment de liberté.
Quelle trouvailles ces cassettes que des bénévoles enregistrent pour nous les malvoyants et non voyants !
J’ai tant besoin de m’évader !
J’ouvre la boîte et plonge mes mains dedans.
C’est doux, c’est chaud, c’est arrondi.
Alice m’a dit de faire attention alors je n’ose pas soulever cette masse, de peur de la casser.
J’entends son sourire quand elle me demande si je sais ce que c’est.
Non, je n’ai pas encore deviné alors je plonge à nouveau mes mains dans la boîte. Je suis le contour d’une boule douce comme du velours. Elle palpite sous mes caresses et je crois entendre un léger ronronnement. Je sens une excroissance d’un côté de la boule, comme une deuxième boule et une petite chose humide vient m’effleurer les doigts.
La boule commence à bouger dans son carton, le léger ronronnement s’amplifie et je sens des petites griffes s’agripper à ma main pour grimper dessus. Ca y est, mon chaton est dans ma main et je l’aime déjà.
Il y avait des années qu’Amélie n’avait pas humé le parfum étourdissant des cerisiers en fleur du parc Yoyogi. À l’orée de ses soixante-dix ans, elle avait décidé de retourner sur les traces de son passé et d’y achever paisiblement sa longue carrière. Le regard vague, elle ferma un instant les yeux. D’habitude, c’était sans conséquence. Mais là, la page noire se para des mille couleurs que ses sens en alerte offraient à son imagination. L’instant d’après, elle sentit un frisson parcourir sa nuque alors qu’une brise tiède s’engouffrait sous son chemisier blanc. Instinctivement, elle sut qu’elle était de retour chez elle et s’installa sur l’un des bancs qui longeaient l’allée rose. Bercée par le son de la ville en ébullition, Amélie se laissa surprendre par la volupté du moment. Un pétale venait d’effleurer délicatement sa main. La douceur de Tokyo était un délice que seuls ses yeux ne parvenaient pas à capter. En ce début de matinée, le chaud soleil d’avril peinait à traverser les branches des arbres que l’alizé venait dépouiller de leur corolle. Une rivière de voix à l’accent japonais s’écoulait avec lenteur devant elle, troublant à peine les discussions des oiseaux qui jacassaient d’un cerisier à l’autre. Une brise iodée souleva soudain ses longs cheveux bruns, et elle regretta que son pantalon fût un peu court en sentant un vent plus frais glisser le long de sa jambe, tel un fantôme égaré. « J’aurais dû prendre un gilet ! » songea-t-elle, ennuyée. Amélie posa alors une main sur le bois du banc pour y prendre appui. L’humidité qui s’y était peu à peu déposée la troubla un instant. Elle s’essuya la main sur son pantalon et, l’espace d’un instant, se retourna instinctivement, les sens en éveil. Une impression étrange s’était emparée d’elle. Quelqu’un l’aurait-il suivie ? Elle demeura immobile durant de longues secondes, la main agrippée à sa canne, lorsqu’une voix la fit sursauter.
– Excusez-moi… Seriez-vous Amélie Nothomb ? La romancière ?
Bonjour! Très joli texte Diane. La fin m’a fait rire.
À mon tour d’essayer maintenant. Beaucoup de premières fois aujourd’hui: un aveugle, un premier texte sur se site et une envie de l’écrire au je. Alors….
Encore ensommeiller, je tente de me rappeler ce que j’ai fait la veille. Ceci n’est définitivement pas mon lit. Trop moelleux. Laissant mes sens se réveiller, je garde une respiration lente et tends l’oreille, je n’ai pas envie d’ouvrir les yeux. Le son est minime, quelqu’un marche dans la pièce et… oh, bon sang, j’ai un de ces mal de cou. Qui a eu l’idée de mettre autant d’oreillers et si du….
puis soudain tout me revient de plein fouet, La panique. le noir, l’hôpital. Ma rétine complètement détacher. Mon retour à la maison depuis deux jours. D’un coup je me redresse les yeux ouverts. Je suis dans chez moi, sur le canapé.
– Oh, mon chéri, tu es réveillé!
Ma mère. Inconstamment, je tourne ma tête vers le bruit. Noir que du noir. Pour toujours.
Un bouffé de rage m’envahit et je me lève prestement avec un besoin irrépressible de partir de là, j’étouffe. J’entends tout de même les pas trainants de ma mère s’approcher de moi. Ne pourrait-elle pas lever les pieds?
J’effectue deux enjambées vers ma gauche, je sais que la sortie est là.
– Aoutch!
La table du salon aussi. Je l’avais oublié. Je suis rentré en plein dedans.
Son raclement a fait un boucan de tous les diables dans le silence pesant de la pièce, mais je n’y prends pas garde. Seule cette pression sur mon bras accapare mon attention. J’ai l’impression qu’on vient de me bruler au fer rouge.
– Lâche-moi! M’exclamai-je en dégageant mon bras d’un geste sec. Fou-moi la paix!
Je me redresse et prends finalement la direction de ma chambre… qu’est-ce que c’est encore.. Ah oui 10 pas.
J’ai un gout amer en bouche. Le bras tendu je finis par déposer ma main sur le mur et m’apprête à le suivre…
Tien qu’est-ce que…
Snif…
Il ne manquait plus que ça ma mère qui pleure. Elle doit être dos à moi et assise sur le canapé pour pas qu’on voie ses larmes comme à son habitude. Je chasse vite l’élan de culpabilité qui m’envahit et me déplace jusqu’à ma chambre, concentrer sur le nombre de pas toujours aussi furieux. Cette colère qui m’habite depuis deux jours.
Bon j’arrête l’avant d’en faire une histoire… quoique ça pourrait être une idée… mais plus tard, je suis déjà sur un projet.
Nahako fut pris d’un sourire.
Une faible brise venait de se lever, qui annonçait l’aurore. Bientôt viendrait la caresse lénifiante du frère Soleil, et la chaleur, qui marquerait le terme de cette nuit de recueillement et de méditation.
Etait-ce l’imagination ?
Objectivement, il y avait bien longtemps qu’il ne distinguait plus la course des étoiles dans le firmament. A la place, une sensation grave, centrale et équilibrée était née : celle de la terre en rotation. Comment avait-il pu passer aussi longtemps à côté de cette force colossale et que rien ne pouvait arrêter ? Il avait fallu qu’un voile recouvre ses yeux pour qu’enfin il puisse s’ouvrir à cette inertie pondérale qui emportait tout avec elle. Il n’était qu’un fétu de paille sollicité par le vent. Il était plus léger. Aujourd’hui, il pouvait sentir la différence.
Pour avoir passé tant de nuits sous les étoiles à dépendre d’elles pour s’orienter, il pouvait toujours en pointer du doigt la plupart, malgré leur rotation apparente, malgré le voile dans ses yeux. L’habitude et l’oubli peuvent aussi porter le savoir. A moins qu’il ne s’agisse de l’imagination… Comment trancher ?
La chaleur commençait à réchauffer sa peau. Assis à même le sol, sur un à-plat pierreux qu’il avait finit par porter à sa température, Nahako attendait sans bouger. Les bruits furtifs des animaux nocturnes allaient céder la place aux bruits encore plus furtifs des animaux diurnes. Les parfums des simples s’estompaient peu à peu, comme des rêves fragiles effrayés par le jour naissant : les plantes se préparaient à l’agression solaire et refermaient leur pores, laissant ainsi plus de champ aux minéraux qui – chauffés par les implacables rayons – allaient prendre le devant de la scène. Inspiration, expiration, c’était ainsi qu’avançait le monde, dans son cycle perpétuel où tout s’appelle et se répond. Inspiration, expiration. Tout vient et tout repart, et tout est toujours là en même temps, puisque tout est lié.
Un être arrive, un être s’en va, un temple de savoir et de compréhension intime qui s’efface : aucun drame, c’est la nature des choses.
« Le monde change », se dit Nahako. « Je suis le témoignage ancien d’un monde qui n’est plus ». Il est temps de laisser place aux plus jeunes, aux innocents, ceux qui ne savent pas encore, et donc peuvent apprendre et s’adapter, écouter les nouvelles voix. « Celles que moi-même je ne peux plus percevoir… ».
Nahako percevait le monde qui s’éveillait alentour à tous ces indices ténus qui en cet instant unique n’étaient là que pour lui, ainsi que le déclin lent et naturel de son propre univers. Un crépuscule pour une aurore. Tout avait toujours été ainsi, et Nahako accueillit cette symétrie pour ce qu’elle était : la démonstration tendre et rassurante du monde en marche.
Bientôt viendrait le Grand Voyage, mais le moment n’était pas encore venu.
Alors Nahako bougea légèrement sur son assise, pour permettre au sang de mieux irriguer ses membres engourdis par l’immobilité et, porté par sa respiration, se remit à l’écoute du Chant du Monde, qui jamais ne tarit et qui jamais ne ment.
Inspiration, expiration.
Tout a toujours été là.
C’est quasiment ,difficile ,de fureter dans le noir ;pour trouver quelque chose ! Mais ,je pense ,que l’aveugle en général ; il voit ,avec le cœur et son esprit .
Il doit y avoir ,également ,l’habitude : si je m’amuse à vivre dans le noir ,pendant un certain temps ,je dois forcément ,m’habituer à reconnaitre les choses qui m’entourent , et retrouver ainsi ,mes repères .Je connais ,l’histoire ,d’un aveugle qui s ‘est rendu dans une grande ville ,avec son chauffeur .Une fois ,arrivés ; c’était ,le non voyant ; qui montrait les rues et ruelles ,à son conducteur .
Je teste dix minutes de vie sans sans yeux en mettant un bandeau :
Zut je ne vois pas mon « cran. Que se passe t-il ?
Puis je = »crire les yexu ferm »s Oui
Penser sans voir oui
boufer dans l’environnemnt habituel oui mais si je vuex continuer à s »lectionner des papiers sur le divaan, choisir un livre, ça c’est autre chose.
La pluie tape aux carreux et le vent chante dehors son humne au mouvement. Les arbres doivent bouger sacréme,t. Je vas me faire arroser en faisant les courses d’’autant plus qu’un pparapluie est exclu !
Bonnne journée à Gaell et %agali et Eric
un jus d’airelles
L’eau frémit dans la grande casserole. Je suis en plein dans ma recette quand j’ai un bug. Ou ai-je bien pu conserver le safran ? Je me souviens l’avoir mis dans une petite boite hermétique en aluminium. Je me précipite dans mon placard à épices, et la chasse au trésor commence. A l’aveugle, je tends le bras parmi les petits flacons de verre, les sachets de levure entassés, les huiles collectionnées, les bâtons de vanille… Tiens, je devrais faire un tri parmi les sels, je compte au moins trois salières entamées… Ah voilà un petit récipient susceptible de contenir mon safran. Le bruit des bulles d’air à la surface de l’eau me rappelle que l’eau boue et attend impatiemment mon riz. Vite, je saisis le pot, dévisse le couvercle, porte le flacon à mon nez, hume. Bizarre, cette saveur ne me rappelle rien. En tous cas, je dois vite me décider. La couleur? Un ocre pas franchement safrané… Allez, courage, testons! Le doigt léché, le doigt dans le pot, le doigt dans la bouche… Le retour ne se fait pas attendre. Une légère sensation de chaleur envahit mon palais, partant du bout pointu de ma langue et se diffusant très rapidement de part et d’autre de ma bouche. Très rapidement, mes gencives internes sont comme paralysées, je ne sens plus l’intérieur de mon palais. La voute humide devient aride, la chaleur devient brûlure. Je perd toute sensation exceptée celle d’avoir allumé un feu de joie dans la bouche. Et d’avoir retrouvé mon piment de Cayenne… J’aimerai en rire mais les muscles de mon visage n’obéissent plus et un vilain rictus éclaire mon sourire que je m’empresse de passer sous l’eau froide.