Bien choisir votre narrateur est essentiel, car c’est le personnage qui raconte votre histoire au lecteur. C’est votre ambassadeur.

Faut-il écrire avec le point de vue du « je » ? Ou plutôt en rester au « il » ?

Découvrez dans cet article les 4 types de narration, leurs points forts et leurs points faibles, afin de choisir celui qui correspond à votre histoire.

Il vaut mieux choisir le bon dès le début, au lieu de vous réveiller après des heures de travail. Cette indécision pourrait vous faire douter sur le roman entier, vous bloquer, voire vous faire réécrire l’ensemble !

Décortiquons toutes les possibilités à votre disposition, avec des exemples de grands auteurs.

Point de Vue

Les 4 voix du narrateur

Dans tout récit, le lecteur entend une « voix » qui lui parle : la voix du narrateur.

Le narrateur omniscient

Le narrateur omniscient relate l’histoire à la troisième personne du singulier. Il sait déjà tout de l’intrigue jusque dans sa résolution. Il connaît les pensées des personnages. Il est capable de raconter deux actions simultanées. Le narrateur omniscient a en général un regard subjectif sur l’ensemble de l’histoire, il n’est pas impartial.

  • Points forts :

Vous pouvez tout expliquer au lecteur. Cela vous permet de naviguer dans les différents espaces-temps de votre récit et de proposer des intrigues complexes.

  • Points faibles :

Le narrateur impose sa vision. Il n’y a pas de doute possible. Si vous souhaitez tenir le lecteur en haleine, le faire douter… ce point de vue est très peu indiqué.

« Il sentait vaguement des pensées lui venir ; il les aurait dites, peut-être, mais il ne les pouvait point formuler avec des mots écrits. Et son impuissance l’enfiévrant, il se leva de nouveau, les mains humides de sueur et le sang battant aux tempes. Et ses yeux étant tombés sur la note de sa blanchisseuse, montée, le soir même, par le concierge, il fut saisi brusquement par un désespoir éperdu. Toute sa joie disparut en une seconde avec sa confiance en lui et sa foi dans l’avenir. C’était fini ; tout était fini, il ne ferait rien ; il ne serait rien ; il se sentait vide, incapable, inutile, condamné. »

Bel Ami de Guy de Maupassant

 

 Le narrateur externe

Le narrateur externe relate également l’histoire à la troisième personne du singulier. Toutefois, il est seulement un observateur extérieur qui rapporte ce qu’il voit et entend. Il ne peut révéler les pensées des personnages puisqu’il ne les connaît pas. Le narrateur externe a un regard essentiellement objectif, il est impartial.

  • Points forts :

Le lecteur découvre les intrigues au fur et à mesure, en fonction de ce qu’il voit, ce qui laisse la place au suspens et aux rebondissements. Le lecteur peut laisser vivre son imagination.

  • Points faibles :

Le narrateur doit se contenter de décrire ce qu’il voit ou entend, ce qui limite fortement la chaîne subjective du récit. Il ne peut pas pénétrer la psychologie des personnages, expliquer leurs états d’âme, leur volonté de faire telle ou telle chose…

 

« Le soir à huit heures et demie il soupait avec sa sœur, madame Magloire debout derrière eux et les servant à table. Rien de plus frugal que ce repas. Si pourtant l’évêque avait un de ses curés à souper, madame Magloire en profitait pour servir à Monseigneur quelque excellent poisson des lacs ou quelque fin gibier de la montagne. Tout curé était un prétexte à bon repas ; l’évêque se laissait faire. Hors de là, son ordinaire ne se composait guère que de légumes cuits dans l’eau et de soupe à l’huile. Aussi disait-on dans la ville : Quand l’évêque fait pas chère de curé, il fait chère de trappiste. “

Les misérables, Victor Hugo

 

Le narrateur interne

Le narrateur interne développe sa propre histoire à la première personne du singulier. Le lecteur découvre les lieux, les évènements à travers le regard d’un ou plusieurs personnages. Ce n’est pas obligatoirement le personnage principal. Ainsi le narrateur interne a un regard subjectif. Le récit passe avant tout par ce qu’il voit, ce qu’il entend, ses émotions.

  • Points forts :

Le lectorat est immergé au cœur de l’histoire. Il se retrouve plongé dans les pensées du protagoniste auquel il s’identifie et s’attache rapidement. Ce point de vue narratif permet de dégager une forte charge émotionnelle.

  • Points faibles :

Le narrateur ne peut présenter les évènements que selon la vision subjective du personnage. Il ne peut explicitement détailler une situation et doit l’adapter, pour la rendre cohérente, la façon d’envisager les choses de votre personnage. De plus, il est impossible de dévoiler des informations que le narrateur ne peut connaître comme les pensées ou les actions d’un autre personnage…

 

‘Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : ‘Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués.’ Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier. L’asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d’Alger. Je prendrai l’autobus à deux heures et j’arriverai dans l’après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. J’ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n’avait pas l’air content. Je lui ai même dit :

‘Ce n’est pas de ma faute.’

II n’a pas répondu. J’ai pensé alors que je n’aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n’avais pas à m’excuser. C’était plutôt à lui de me présenter ses condoléances.’

L’étranger, Albert Camus

Le narrateur au ‘tu’

Le narrateur à la deuxième personne du singulier ou du pluriel raconte l’histoire en s’adressant directement à un personnage (le principal en règle générale). Le narrateur peut dans ce cas avoir un regard objectif et subjectif selon les informations que l’auteur accepte de lui céder.

  • Points forts :

Le lecteur a la sensation d’entrer dans la peau du personnage principal par ce discours direct.

  • Points faibles :

C’est une narration qui s’essouffle très vite. Elle est en général utilisée sur une courte période du récit, comme dans un prologue, cependant certains écrivains s’en servent dans leurs essais.

 

‘Il n’y a pas besoin de vous présenter,

Vous vous connaissez depuis longtemps.

Elle est tout ce que tu as toujours cherché.

Tu admires chacun de ses traits.

Son regard.

Son sourire.

Cette manière de se tenir.

Cette tranquillité d’esprit qui rejoint celle que tu as en ce moment précis.

Tu apprécies son parfum.

Tu aimes la chaleur de sa voix.

Tu la rejoins.

Tu la touches à l’épaule.’

Le livre du voyage, Bernard Werber

 

Quel point de vue choisir ?

Vous savez maintenant à quoi correspondent les différents types de narrateurs. Il ne vous reste qu’à définir celui qui vous convient le plus. Pour cela, posez-vous la question :

Quelle relation entre le lecteur et les personnages voudrais-je instaurer ?

Votre histoire ne sera pas vécue de manière identique selon la place que prendra le narrateur. L’émotion, les informations que vous pourrez distiller dépendront essentiellement de la voix narrative que vous choisirez.

Il est cependant important, quel que soit votre choix, de vous sentir à l’aise. Il n’est pas question de se forcer à écrire à la première personne si cela ne vous correspond pas, de vous enfermer dans une voix que vous ne maîtriserez pas… Le lecteur le sentirait et votre style s’essoufflerait très rapidement.

Que faire pour se décider face à ce choix cornélien qui déterminera le ton de votre œuvre ?

Nous vous conseillons, après avoir fixé ce que vous souhaitez transmettre au lecteur, de rédiger une scène sous différents points de vue narratifs (celui du personnage principal, secondaire, une voix extérieure…) et de les analyser pour voir celui qui vous représente le mieux.

 

Petite astuce : un récit sera plus dynamique si vous alternez plusieurs types de narration. Ainsi avec un narrateur externe, vous pouvez introduire un point de vue interne au travers de lettres, discours rapportés…